les yeux doc

Changements de nature

Bovines sac © Bathysphere
Un parcours en six films traversés par des animaux sauvages et domestiques, des cours d’eau et des flammes, pour rappeler à quel point les activités humaines influent sur les écosystèmes et pour déplacer notre regard sur le vivant.

En quelques minutes ou sur le temps long, avec humour ou gravité, sans parole ou par la force du témoignage, réalisés par des cinéastes débutant·es ou confirmé·es, les films de cette sélection font vaciller notre rapport au vivant.

Certains documentent la manière dont les humain·es agissent sur leur milieu naturel ou sont affecté·es par ses altérations. D’autres donnent la parole à celles et ceux qui côtoient au quotidien des animaux, domestiques ou sauvages, déplaçant notre regard sur la cohabitation des espèces. D’autres enfin adoptent le point de vue animal pour renverser notre rapport au monde. Tous soulignent à quel point nous participons aux bouleversements du vivant et rappellent comment la condition humaine s’en trouve métamorphosée.

L’ours qui a vu l’homme : Churchill, la ville des ours polaires

Churchill, village isolé du Nord du Canada, est bâti sur un lieu de migration des ours polaires. Jadis chassés, les animaux désormais protégés hantent les abords du village et ses rues enneigées. Laborieusement surveillés par les autorités locales pour éviter que la cohabitation ne provoque d’accident, les ours sont simultanément devenus une attraction touristique dont de nombreux·ses habitant·es cherchent à profiter, une situation paradoxale dont Annabelle Amoros souligne avec humour l’absurdité.

Chevaux désarçonnés : Sauvage

Dans les vallons verdoyants de Galice, déambule une horde de chevaux sauvages. À leurs côtés, un cortège humain s’avance et contraint leur trajectoire jusqu’à l’enfermement. Les bêtes se retrouvent enserrées, aux abois ; les humains se réunissent dans une arène pour un jour de fête. Léonore Mercier nous immerge dans la perception équine alors que se déroule une tradition locale dont elle souligne les échos concentrationnaires, dans un vertigineux renversement du regard sur la sauvagerie animale.

L’animal au plus pré : Bovines

Emmanuel Gras plante sa caméra dans un pâturage humide et verdoyant pour raconter la vie de ses habitantes : les vaches. Les journées se déroulent au rythme de la mastication, d’un orage ou d’une mise à bas, au bruit du vent, des oiseaux, et des meuglements du troupeau. Des cris qui s’intensifient lorsque les humains viennent enlever les veaux à leur mère… Bovines montre le monde à hauteur de vache et invite à déplacer son regard sur la condition des animaux d’élevage.

L’élevage, à la vie à la mort : Les Initiés

Domestiquer signifie notamment entretenir la dépendance de l’animal à son profit et participer à sa mise à mort. Quelle relation se bâtit dès lors entre éleveur·ses et troupeaux ? Colas Gorce aborde ces questions de front avec trois éleveur·ses. Au travail avec leurs chèvres ou face à la caméra, iels mettent en évidence l’intimité des relations entretenues avec les bêtes, et le respect qui leur est dû jusque dans la mort.

Mémoire brûlée : Après le rouge

Au cours d’une nuit d’hiver, un village montagneux de Haute-Corse est encerclé par les flammes. Trois ans plus tard, Marie Sizorn ravive la mémoire du feu grâce à des archives photographiques, recueille les souvenirs de trois habitant·es touché·es par l’événement, et filme les traces durables laissées par l’incendie dans la nature alentour. La montagne embrumée, lieu de vie et d’histoire locale, semble également mettre les villageois·es en garde contre d’autres catastrophes potentielles.

Préserver contre vents et marées : La Rivière

Des Pyrénées vers l’Atlantique, s’écoulent des rivières. Transformées par la disparition des espèces et de leur habitat, affectées et polluées par l’agriculture intensive, domestiquées par les retenues d’eau, elles se vident et se désertifient. Des scientifiques et des associations tentent d’y restaurer un équilibre : leurs gestes patients, filmés par Dominique Marchais, donnent à voir la biodiversité qui fonde ce paysage bucolique et les menaces qui pèsent sur lui, tandis que résonne perpétuellement le grondement de l’eau qui s’écoule.

À voir également

Sur les mutations de l’agriculture et de l’élevage en Bolivie : Mascarades, de Claire Second (2023), sur la relation aux animaux d’élevage : Les vaches n’auront plus de nom, d’Hubert Charuel (2019), sur le vivant en forêt : Dans les bois, de Mindaugas Survila (2017)

Pour aller plus loin

« Perspectives animales » et « Animalement vôtre. Les animaux dans les films documentaires », des dossiers publiés par Balises, le magazine de la Bibliothèque publique d’information