Après le rouge
En Haute-Corse, les habitants d’un village ont vécu un gigantesque incendie. Marie Sizorn travaille la mémoire de l'événement qui a traumatisé les villageois et marqué durablement leur paysage.
Le monde est immense et plein de dangers. Tempêtes, inondations, coulées de boue, incendies, les éléments naturels se déchaînent de plus en plus fréquemment sur les lieux de vie des animaux et des humains, à la ville comme à la campagne, en France comme à l’étranger. On entend désormais parler tous les ans dans les médias des mégafeux, des feux extrêmes ayant pour conséquence des dégâts exceptionnels sur de très grandes surfaces. On se souvient du dramatique incendie en Gironde en 2022 ayant avalé plus de 30 000 hectares de forêt dans le massif des Landes de Gascogne et des millions d’hectares partis en fumée en Russie, au Canada, en Espagne ou en Australie. La Corse, entre forêt et sécheresse, est aussi un territoire sujet à de nombreux incendies. Le village de Chiatra présenté dans “Après le rouge” en a connu deux en l’espace d’une quarantaine d'années. Un premier, l’été 1983, a failli engloutir le village. Un feu de forêt l’a de nouveau encerclé dans la nuit du 3 janvier 2018.
Le feu, élément essentiel à la vie et aux civilisations humaines, peut anéantir tout sur son passage et prendre des proportions dramatiques, horrifiques, infernales. La réalisatrice Marie Sizorn part de sa propre fascination devant un brasier pour créer un lien avec les personnes rencontrées. À travers le portrait de trois témoins, Caroline, Pascal et Michel, elle permet, avec une mise en scène d’une grande sobriété et élégance, l'expression des habitants après les destructions causées par l’incendie. Il faut dire que les villageois ont bien du mal à trouver les mots pour raconter cet événement traumatisant. Tous se remémorent devant les paysages de la région les aspects sensoriels de la catastrophe : visions rougies, sons tonitruants et odeurs de bois brûlé. Chaque plan rend compréhensible l’attachement des habitants à leurs montagnes, leurs forêts et leurs bêtes : leurs terres. Au sein de cadres naturels très esthétiques, la cinéaste, qui vient de l’art vidéo, s’attarde sur un tronc calciné, une plante qui repousse. Elle filme la forêt et ses brumes matinales. Comme si le brouillard se confondait avec les fumées de l'incendie, lointain mais toujours réminiscent. Les photographies prises par les villageois permettent de se représenter l’image manquante de cette nuit, celle des flammes, dévorant tout.