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Si on chantait ?

C'est presque au bout du monde ©OdP - Les fils de
Soul, rock, blues, opéra… chanter fait vibrer le corps, met du baume au cœur et peut aussi faire passer des messages. Pour commencer l’année sur une note musicale, cinq documentaires donnent de la voix, des États-Unis à l’Iran en passant par la France.

Chanter, pour les adolescent·es de Soul Kids, les jeunes adultes de L’Énergie positive des dieux et la serveuse de Caiti Blues, c’est une histoire de souffle, le moteur de la danse, une posture face aux autres… C’est se réapproprier son corps et une place dans le monde. Dans C’est presque au bout du monde, la cantatrice Barbara Hannigan révèle de son côté toute la sensualité du chant. En contrepoint, dans Hidden, des autorités empêchent une jeune femme de chanter, aussi rétives à la dimension érotique de la musique qu’à sa portée émancipatrice.

Trouver sa voix : Soul Kids et L’Énergie positive des dieux

Comment faire entendre sa voix lorsqu’on est discriminé·e ou invisibilisé·e ? Par la musique ! Dans Soul Kids, des adolescent·es Noir·es américain·es s’approprient les succès du label Stax et travaillent sur leurs propres compositions. Les jeunes évoquent le racisme systémique et leur volonté de dépasser les limites sociales imposées, mais Soul Kids se déroule uniquement dans l’école de musique, laissant le quotidien hors champ. À la manière d’un gospel, le film nous transporte et suggère que la volonté suffit pour échapper à sa condition. Que cette promesse se réalise ou non, les jeunes auront trouvé, dans le chant, un espace inaliénable de liberté et d’affirmation de soi.

L’Énergie positive des dieux montre, de son côté, la création du collectif rock Astéréotypie, composé de jeunes adultes atteint·es de troubles du spectre autistique, de leur éducateur, et de deux musiciens professionnels. En suivant les ateliers, les répétitions et les concerts entourant leur premier album, le film souligne la personnalité de chacun·e et les questionnements universels qui surgissent de leurs scansions poétiques. Il montre également le charisme de ces artistes, à qui la scène offre un espace d’expression où tous·tes s’engagent intensément, nous emportant dans un flot d’émotions brutes.

Reprendre souffle : Caiti Blues

Enfant prodige du music-hall new-yorkais, Caiti quitte la ville après la première élection de Donald Trump et s’arrête au Nouveau-Mexique. Elle sert dans un bar, tout en animant la radio locale. Qu’est devenu son rêve américain ? Le désenchantement de Caiti résonne dans ses chansons et contraste avec ses prouesses scéniques d’antan, aperçues au détour d’archives vidéo. Fragilisée et solitaire, la jeune femme tisse tout de même autour d’elle un réseau affectueux. Le blues de Caiti suggère dès lors que d’autres récits d’émancipation sont possibles, laissant place à des corps et à des identités variés, autorisant les succès collectifs, mais aussi l’échec et la mélancolie.

L’instrument du désir : Hidden et C’est presque au bout du monde

La cantatrice Barbara Hannigan échauffe sa voix. De ses narines jusqu’à son ventre, l’air emplit son corps. De sa poitrine vers sa bouche, des sons se forment. Ses mains modulent la hauteur des notes, son visage affiche effort et émotion. C’est presque au bout du monde exprime la sensualité que revêt l’acte de chanter, jusqu’à faire émerger notre propre plaisir lorsque la soprano, enfin, interprète devant la caméra un morceau d’opérette.

Dans Hidden, une metteuse en scène iranienne invite une jeune femme sur scène, mais essuie le refus de sa famille et des autorités religieuses. La présence du célèbre réalisateur Jafar Panahi changera-t-elle leur décision ? Entendrons-nous chanter cette voix mystérieuse ? Hidden affûte nos sens, intensifie notre attente et décuple notre imaginaire. Jafar Panahi démontre ainsi que le désir défait toujours l’interdit, tout en donnant une magistrale leçon de mise en scène.

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