les yeux doc

Soul kids © GoGoGo Films

Soul kids

À Memphis, l’une des villes les plus sinistrées des États-Unis, la Stax Music Academy fait figure d’oasis. Fondée sur l’héritage du label légendaire de musique des années soixante, cette école de musique permet à des adolescents de comprendre l’Histoire afro-américaine à travers la découverte des plus grands tubes de la soul.

Des années 50 à la fin des années 70, Memphis fut le berceau d’un grand pan de la musique populaire. Elvis Presley invente ici le rock'n' roll et le label Stax records propulse une nouvelle musique en tête des charts américains, la soul, combinaison de gospel et de rhythm and blues. À l'époque, la Stax n'a qu'une rivale : la Motown de Détroit et son usine à feel good hits . Mais à Memphis, au cœur d’un Tennessee fortement marqué par la ségrégation raciale, les voix d’Otis Redding, Mavis Staples ou Isaac Hayes se font plus militantes que celle de Diana Ross ou des Jackson five. De la création du label en 1958 jusqu’à son dépôt de bilan en 1975, la Stax accompagne les mouvements pour les droits civiques qui secouent la ville et tout le pays. La tension sociale est à son comble au moment du vote du Civil Rights Act, une loi fédérale qui rend la discrimination raciale illégale, finalement promulguée le 7 juillet 1964 par le Président Johnson. Martin Luther King est assassiné dans un motel de la ville le 4 avril 1968 et des émeutes embrasent le pays.

Depuis les années 2000, la Stax Music Academy ranime le "Memphis sound "au sein d’un vaste programme éducatif financé par des fonds privés philanthropiques. Car, dans la River City, près de la moitié des moins de 18 ans vivent au-dessous du seuil de pauvreté, contre 14 % au niveau national. Dans le quartier Frayser, l’un des plus dangereux de la ville, le ténor Johnathon dit s’en être sorti grâce à son statut de chanteur : “Don’t mess with him, he can sing”. Voilà que la musique peut sauver de la spirale des gangs. Dans la lignée de la non-violence prônée par le pasteur King, cette école de musique est l’un des remparts pour lutter contre les inégalités et le racisme. La citoyenneté s’apprend ici à l’occasion de cours et de débats. Des intervenants, comme Chandra Williams, artiste et directrice du Crossroads Cultural Art Center à Clarksdale (Mississippi) se différencient radicalement des discours racistes entendus pendant le mandat du Président Trump. Comment les afro-américains peuvent-ils lutter contre la stigmatisation dont ils sont les victimes ? En restant proche de leur culture et de leurs racines. Cet héritage se transmet à travers la musique dans ce lieu emblématique de la culture afro-américaine. La soul fait briller les individus, leur donne du courage et les réconforte. Chanter pour les autres donne un sens au futur en inscrivant les jeunes musiciens dans la société. Les Soul kids lancent un appel universel à la réconciliation entre les communautés.

L'avis de la bibliothécaire

Hélène Bitauld, Médiathèque l'Échappée, Rillieux-la-Pape
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Voici un documentaire qui fait du bien tout en abordant les questions ô combien sensibles et difficiles de l’identité raciale et de la discrimination sociale aux Etats-Unis. En filmant comme il le fait, au plus près, ces jeunes afro-américains bourrés de talent dans ce lieu mythique qu’est la Stax Music Academy, Hugo Sobelman nous immerge dans cette bulle artistique dont on ne soupçonnerait pas, s’il n’y avait ces interviews des jeunes, les enjeux qui en découlent.

Bien au-delà de l’épanouissement qu’apportent la musique et le chant, dont l’apprentissage ici vise l’excellence, se joue dans ce lieu l’avenir d’une jeunesse qui, on le sent, est à la croisée des chemins. A l’âge ou l’on se forge une identité individuelle et/ou collective, cette génération pleine d’intelligence a envie de changer la donne et certainement pas de se laisser happer par la facilité des clivages et de la haine, pas plus que par la violence omniprésente qui gangrène Memphis. A les écouter chanter, on se dit plus que jamais que la vie est une lutte dont on espère qu’ils sortiront sans perdre cette force positive qui les anime.

+ d'infos

Pour aller plus loin, lire le dossier de presse du film, il comprend un entretien avec le réalisateur Hugo Sobelman. © Jour2fête

Enseignants, rapprochez-vous de votre bibliothèque si vous souhaitez programmer des actions culturelles autour de ce film riche sur la musique, la civilisation américaine et l'histoire du mouvement des droits civiques.

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