les yeux doc

Enchanter la vie

Il n'y aura pas de révolution sans chansons
La pratique du chant produit par la voix humaine remonte à la nuit des temps. Selon les recherches en archéologie, la musique et le chant auraient même été une des composantes de la vie des hommes préhistoriques dès le Paléolithique ; c'est dire si chanter est au cœur même de notre humanité. Quatre films peuvent nous aider à comprendre et ressentir ce qui se joue quand la vie cesse d'être seulement parlée pour atteindre densité et force grâce au chant.
Jean-Gabriel Périot et le chant choral

Jean-Gabriel Périot dont le travail de réalisateur se concentre principalement sur les archives et leur montage propose deux courts métrages dont l’architecture repose sur le chant choral.

De la joie dans ce combat nous fait toucher du doigt l’engagement de Malika Bellaribi Le Moal, « La Diva des cités », au parcours lyrique atypique et résilient. Mezzo-soprano et pédagogue, Malika fonde son travail sur la communication, la médiation et la transmission. Le documentaire montre des femmes issues des banlieues qui apprennent les postures du chant pour exprimer et transcender les clichés de stigmatisation sociale comme les épreuves de leur vie. Ainsi, accompagnées par Malika pour surmonter les difficultés techniques du chant, accèdent-elle au bonheur de chanter leur quotidien tout en étant fières d’elles-mêmes et dignes.

Nos jours, absolument, doivent être illuminés est la captation d’un concert dont nous ne verrons jamais les protagonistes principaux. Les choristes sont en effet détenus dans la prison d’Orléans. Leurs voix, amplifiées par deux enceintes, vont s’élever de l’autre côté du mur qui les prive de liberté et rencontrer leur auditoire. Périot filme les visages de celles et ceux qui écoutent. Entre ceux (invisibles) qui interprètent et ceux (en gros plans) qui reçoivent les chansons, prend forme une communication muette. De l’intérieur de la prison surgissent des ébranlements perceptibles dans les voix. À l’extérieur, ces ébranlements créent des émotions. De part et d’autre du mur, ce bref moment de vie s’auréole d’une lumière plus intense que celle de ce jour ensoleillé de la fin mai 2011.

Invitations au voyage musical

Don’t rush est une invitation au voyage. Celui-ci se fait entre les murs du studio de radio pirate de Giannis sur l’île de Lemnos en mer Egée, entre Grèce et Turquie. L’univers embrumé par les vapeurs de haschich de Giannis est enchanté par le Rébétiko, forme d’expression musicale et populaire de Grèce apparue dans les années 1920 après l’arrivée de réfugiés expulsés d’Asie Mineure au moment de La Grande Catastrophe. Marginalité, amour, rébellion, migration, nostalgie, prison, haschich, alcool sont des thèmes du Rébétiko sur lequel nous fait naviguer Giannis. Le Rébétiko se fait l’écho de la Grèce d’aujourd’hui traversée par les mouvements migratoires et leurs cortèges de souffrances humaines et d’exils.

Il n’y aura pas de révolution sans chanson est aussi un voyage musical qui permet de comprendre l’histoire comme le présent du Chili et des Chiliens à travers leur musique. La musique et le chant sont un ciment social extraordinaire. S’y expriment le besoin de témoigner des horreurs du passé comme celui de lutter contre les injustices et pour les libertés du présent de ce pays. Les Chiliens, par les chansons qu’ils entonnent, reflets de leur désir de poésie et de beauté dans des situations dramatiques voire tragiques, dépassent leur cadre national pour atteindre à l’universel des Droits de l’homme. Le chant est un carrefour joyeux, galvanisant où s’unissent, s’enflamment l’individuel et le collectif.