Architectes, urbanistes, politiques et citoyens cherchent aujourd’hui à transformer la ville pour en faire un lieu du vivre ensemble plus éco-responsable. Deux films montrent, à Paris et à Bordeaux, les métamorphoses du paysage urbain. Ils mettent en scène et en lumière cette postmodernité de la ville et de son architecture.

Renzo Piano dans ses œuvres : Nos édifices (ex -Porte de Clichy)

Renzo Piano (1937-…), lauréat du prix Pritzker en 1998, est mondialement connu pour avoir remporté en 1971 le concours du Centre national d’art et de culture Georges Pompidou. Il crée les plans du Centre Pompidou avec Richard Rodgers (1933-2021). Piano dirige depuis 1981 La Renzo Piano Building Workshop (RPBW), agence internationale d’architecture dont les bureaux sont situés à Paris où il vit, et à Gênes qui l’a vu naître. La RPBW a construit en France Le Centre culturel Tjibaou à Nouméa, L’École normale supérieure (ENS) Paris-Saclay à Gif-sur-Yvette, La Fondation Pathé à Paris, et le nouveau Tribunal de Paris, surnommé « le Beaubourg blanc », qui a déménagé de l’Île de la Cité à la Porte de Clichy.

« Beaubourg » et « Le Beaubourg blanc » se font face, semblant dialoguer dans le ciel parisien où l’architecte génois aura laissé une empreinte forte. Le premier, devenu un bâtiment emblématique du 20e siècle, a causé de nombreux remous à l’époque de sa réalisation en plein centre de Paris et s’apprête à fermer pour travaux de rénovation jusqu’en 2030. Le second a ouvert au public en avril 2018. Avec ses 160 m de haut et ses 38 étages répartis en trois parallélépipèdes faisant allusion à des containers de marchandises (en référence au port de Gênes ?). Le bâtiment entend effacer les limites entre la capitale et sa banlieue Nord-Ouest, montrer la transparence de la justice et valoriser l’accueil du justiciable. Habillé de verre, le Tribunal est un modèle de construction écoenvironnementale au cœur du nouvel écoquartier Clichy-Batignolles.

Le film de Sébastien Marziniak s’intéresse aux gens dont la vie est affectée par la construction de ce bâtiment devenu leur horizon : habitants, guides urbanistes, travailleurs sans-papiers, concierges, photographes, avocats récemment installés en face du tribunal. La mixité sociale, dont le quartier se veut être aussi un modèle, est interrogée avec subtilité tandis que, au fil des rencontres, se dessine, pour chacun, une façon d’habiter ce territoire.

La transformation radicale d’un paysage : Ici Brazza : chronique d’un terrain vague

Bordeaux, cité portuaire commerçante, garde des traces de son passé colonial. Les quais de Brazza sont un hommage à Pierre Savorgnan de Brazza (1852-1905), personnalité essentielle de l’histoire coloniale de la France. Brazza, explorateur puis Commissaire général du gouvernement français en Afrique Centrale, permit à la rive droite du Congo de devenir une colonie française. L’actuelle capitale de la République du Congo a conservé le nom de Brazzaville. Le discours colonial et les actes de Brazza, héros de son vivant sous la IIIe République, repose sur le pacifisme et la mission civilisatrice.

Les quais de Brazza, sur la rive droite de la Garonne, furent dédiés principalement au commerce provenant des colonies et à l’industrie chimique. L’activité industrielle déclinant, cette rive droite est devenue une friche industrielle aux sols pollués, aux voies ferrées abandonnées où fleurissent squats et camps de fortune. Antoine Boutet filme la transformation radicale de ce terrain vague sur cinq années, mettant en perspective et en opposition l’ambitieux projet d’urbanisme (« rejouer les liens entre l’homme et la ville ») et sa perception de plasticien. Fasciné par les machines au travail, l’artiste se pose avec aisance et fluidité en cartographe, se mêle aux squatteurs, participe aux rave-party, capte une expulsion de résidents illégaux, s’attarde sur des brins de nature en sursis. Avec un jeu subtil de surimpressions, il nous convie, avec ironie, à une réflexion sur la modernité et ses utopies.

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