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Derrière les pierres

Dans un ancien quartier populaire de Paris, la dernière usine va disparaître, sans bruit. Accrochés à la façade, les panneaux d’un promoteur immobilier annoncent déjà sa transformation en immeuble d’habitation. Derrière les murs, les ouvriers sont encore au travail. Leur parole émerge à travers le bruit des machines. Ils sont là, avec leur vie, leurs projets et leurs rêves. Un choeur de voisins résonne dans la rue et révèle la violence sourde des mutations de la ville.

L'avis du bibliothécaire

Marc Guiga, Catalogue Image de la culture, Paris
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Les « pierres » ce sont les murs d’un vieux bâtiment industriel niché dans un quartier populaire du 11e arrondissement parisien, et dont le voisinage s’interroge s’il s’agit d’un ancien pensionnat ou d’une école en ruines. En fait, cette petite fabrique de cartonnage dynamique à l’équipe restreinte vit ces derniers jours dans ses locaux vétustes avant son déménagement en banlieue. Aux rythmes des machines, aux témoignages et aux gestes minutieux des ouvriers ouvrières, aux plans sur les murs défraichis ornés de posters d’un autre âge, Magali Roucaut ajoute en off les paroles d’habitants des alentours. Ainsi, au fur et à mesure que les façades se recouvrent de panneaux vantant le futur projet immobilier – la réhabilitation de l’usine en somptueux lofts avec terrasses – les voix du voisinage sont partagées : dans cet arrondissement où ont poussé comme des champignons des logements sociaux à partir des années 1980, en place des anciens immeubles insalubres du XIXe siècle, un lot de « lofts pour riches » signifie-t-il une nouvelle transformation du quartier ? La réalisatrice filme avec talent la gentrification en marche, où le travail et ses lieux de production disparaissent inexorablement des centres urbains, ou pire dans le sarcasme, deviennent des souvenirs chics.

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