Depuis L’Odyssée d’Homère, les îles font rêver. De nos jours, elles attirent indéniablement touristes et visiteurs. Au risque de les rendre infernales. L’Ile-de-Bréhat (Côtes-d’Armor) limite son accès à 4700 visiteurs par jour cette saison 24. La Grèce a reçu près de 33 millions de visiteurs en 2023 sur 10 % de son territoire, presque tous rassemblés sur ses îles. La Corse aimerait lutter contre le surtourisme en essayant de déconcentrer la venue des voyageurs en dehors de la période estivale ; cependant elle s’inquiète dès lors que le nombre de touristes diminue de trop concernant sa manne économique.
Au cinéma et dans la littérature, la vie insulaire était tantôt synonyme d’aventures et d'évasion pour Robert Louis Stevenson ou Corto Maltese (enfin Hugo Pratt). Mais l’île, de manière plus conceptuelle peut symboliser l’isolement, la folie ou l'enfermement comme dans Sa Majesté des mouches de Peter Brook, L’Avventura de Michelangelo Antonioni ou encore Sans filtre de Ruben Östlund. Dans le cinéma documentaire, depuis le mythique L'Homme d'Aran de Robert Flaherty sur la vie âcre de farouches pêcheurs irlandais jusqu’au joyeux L’île au trésor de Guillaume Brac présentant une base de loisirs de banlieue parisienne, l'île ne perd pas de son pouvoir évocateur. Essayons donc de projeter notre regard loin de l’image paradisiaque vendue par les guides touristiques et les agences de voyage pour découvrir la face cachée des paysages insulaires.
L’île est un territoire, dont la mer dessine les frontières. Parfois ce territoire est zone de passage, de transit. C’est le cas de l’île de Lampedusa, île italienne d’environ 6000 habitants située entre la Tunisie et l’île de Malte. En l’espace de 20 ans, 400 000 migrants sont passés par Lampedusa pendant leur traversée périlleuse de la méditerranée sur des bateaux de fortune, une estimation donne le chiffre de 15000 morts dans le Canal de Sicile. Gianfranco Rosi filme cette situation d’urgence et de détresse par l’intermédiaire d’un médecin. Il approche sa caméra en parallèle d’une famille de modestes pêcheurs. Quand on vit et travaille en pleine mer, la vie est difficile. Le quotidien de Samuele, 12 ans, consiste à jouer avec son lance-pierre et se préparer à devenir marin comme les autres hommes avant lui. Loin du domaine de l’enfance, les cadavres s’empilent sur les bateaux des ONG.
En s’inspirant d’un souvenir d’enfance sur l’île de beauté, la réalisatrice Marie Sizorn rencontre des habitants encore sous le choc d’un incendie qui a failli ravager leur village. Les images mentales des flammes jaillissent sur les paysages grandioses des montagnes corses. Loin des plages bondées et du GR20, l’attachement des habitants à la nature et à leur village se perçoit alors que le réchauffement climatique et le sursaut touristique favorisent la sécheresse et donc, les incendies. Malgré un recul de fréquentation, la saison touristique estivale en Corse a rassemblé 1.67 millions de voyageurs en 2023. La vie dans les villages est pourtant synonyme d'âpreté et d'isolement.
Avec l’exode rural et le vieillissement de la population, les habitants d’Arki, petite île du Dodécanèse, 44 habitants, voient le dernier enfant de l'île sur le point de les quitter. Il a cette tristesse dans le regard des enfants qui ont grandi trop vite. Kristos, dernier enfant de l’île et unique élève de l’école primaire, a peur de quitter son île, son vélo, son père, ses chèvres et ses petits chiens. Pourtant, il va falloir qu’il prenne son envol, vers la vie au large.