Créés au Mozambique en 1978 par l’ethnologue et cinéaste Jean Rouch et Jacques d’Arthuys, alors attaché culturel de l’Ambassade de France, les Ateliers Varan ont pour objectif de former des cinéastes à observer leur environnement par eux-mêmes. Cette formation au cinéma documentaire par la pratique s’est depuis disséminée à travers le monde. Au fil des ans, des ateliers se sont déroulés épisodiquement dans de nombreux pays, à leur demande. Certains se sont établis plus durablement, par exemple en Papouasie Nouvelle-Guinée, aux Philippines, en Serbie ou au Vietnam.
C’est à travers la pratique collective que les apprentis réalisateurs s’emparent de ce qui fait l’essence de ces ateliers : un grand sens accordé à l’observation, un questionnement de la réalité, un rapport qui allie gestion de l’imprévu et mise en scène, ce qui constitue tous les ingrédients nécessaires à la naissance d’un point de vue singulier. Dans le cadre des films choisis pour cette nouvelle collection, Evelyne Abram, Calypso Baquey, Francis Forge, Guillaume de la Forest Divonne, Klaudia Kaczmarczyk et Thu Hương Nguyễn ont entrainés leurs regards pendant des ateliers de réalisation en France et au Vietnam.
Les Ateliers Varan transmettent un cinéma issu des pratiques ethnographiques pour lesquelles l’attention aux gestes du quotidien et le sens de l’observation comptent énormément. Dans la lignée du cinéma direct, les gestes des travailleurs sur le chantier naval de Mme Liên sont filmés avec précision comme pour enregistrer une tradition artisanale sur le point de disparaître (La Fabrique de Mme Liên). De la même manière, Klaudia Kaczmarczyk apporte de l’attention aux gestes des couturières dans l’atelier de confection textile parisien qu’elle a choisi de filmer dans Derrière les rideaux. Précision et rapidité s’accordent au rythme des machines à coudre.
Dans une recherche d’authenticité, la méthode Varan met en avant le pacte de confiance qui se crée entre filmeur et filmé. Ainsi, la réalisatrice de films d’animation Inès Sedan délivre les secrets de sa créativité à Evelyne Abram dans Inès et le temps passé devant la caméra de Thu Hương Nguyễn permet à l’autoritaire Mme Liên de dévoiler sa sensibilité et son vécu.
Filmer la relation, ce qui lie les gens, leur rapport familiaux ou sociaux est de toute première importance. Les liens qui attachent les membres d’une famille vietnamienne immigrée en France, ceux qui relient Mme Liên avec ses ouvriers (une cinquantaine année de collaboration !), mais encore, ceux qui unissent une patiente avec une auxiliaire de vie. Ainsi, la relation privilégiée entre la soignante Kane et la mère de la réalisatrice Calypso Baquey est d’une humanité incroyable (C’est ainsi qu’on va vers l’été).
Si Calypso Baquey dresse le portrait de sa mère et des liens qui la rattachent au monde malgré sa maladie (C’est ainsi qu’on va vers l’été), Guillaume de la Forest Divonne plonge quant à lui dans le passé de son grand-père au sein de Cueille le jour. Ces personnes, au couchant de leur existence, voient la vie leur fuir entre les mains peu à peu et c’est l’un des rôles du cinéma que d'enregistrer les êtres et les souvenirs. Ainsi, le grand-père a-t-il justement consacré du temps à filmer sa famille en super 8 tout au long de sa vie. Il ouvre son armoire à souvenirs et son cœur à son petit-fils. Le cinéma, comme la peinture, est une vanité qui veut figer le temps, mais sait que celui-ci se dérobe.
Dans Guetteurs, Francis Forge prend le temps quant à lui d’observer des personnes qui observent à leur tour les oiseaux qui peuplent Paris malgré les dangers de la ville et son absence de verdure. Bien loin de Paris, on peut enfin être ébloui par les éclats du soleil se réverbérant sur l’eau dans le delta du Mékong, pourtant ces berges sont promises à un autre avenir... (La Fabrique de Mme Liên)
Bien d’autres films sont disponibles sur La Cinémathèque des Ateliers Varan.
Calypso Baquey, 2020, 37 min
Guillaume de la Forest Divonne, 2019, 24 min
Klaudia Kaczmarczyk, 2020, 30 min
Thu Hương Nguyễn, 2020, 32 min
Francis Forge, 2022, 19 min
Evelyne Abram, 2020, 24 min