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Au boulot ! Travailler au XXIe siècle

En attendant les robots - oeufs © Mediadiffusion
« Le travail, c’est la santé ! » Pourtant, le mot a pour origine le latin trepalium, qui désigne un instrument de torture. Doit-il forcément se faire dans la douleur ? LaScam, ARTE, le CNC et La Fémis ont organisé le jeudi 27 mars 2025 une journée de rencontres sur le cinéma documentaire intitulée « Comment filmer le travail ? ». Passons en revue quelques approches formelles inventives autour de ce vaste sujet de société. Deuxième partie : ce que le néolibéralisme fait au travail.

Lorsqu’on parle de travail dans les médias, c’est souvent avec les expressions « plan social », « harcèlement moral » ou encore « management de la peur ». Nous les avons entendus lors des « affaires » France Télécom, LVMH, Ubisoft, etc. Malgré le dialogue social pour mieux protéger les travailleur·euses, des mesures pour favoriser l’égalité d’accès à l’emploi, et en dépit des aides publiques versées aux entreprises pour rester compétitives (estimées à 200 milliards d’euros en 2023), le monde du travail semble en crise permanente, soumis à des vents contraires entre les intérêts des syndicats, des gouvernements et des actionnaires.

Après avoir évoqué dans un premier article « Au boulot ! Sorties d’usine » la disparition progressive de la classe ouvrière, intéressons-nous aux nouveaux paradigmes du travail. Dans le tertiaire et les services publics, la sous-traitance généralisée, la plateformisation ou l’application de logiques de performance souvent inhumaines bouleversent profondément les pratiques. Cette transformation a un coût. L’emploi stable devient rare, et parfois, la mise en concurrence des employé·es et le management brutal déstabilisent les conditions de travail. À cela s’ajoutent la baisse des effectifs et des moyens, qui accroissent les risques psychosociaux et les situations de mal-être.

Enfin, les retombées économiques des grandes entreprises ne profitent pas directement aux populations. Airbnb a contribué à la hausse des loyers dans les centres-villes, Amazon a fragilisé les petits commerces. Les services publics de proximité ferment et l’ubérisation, en contournant le salariat, isole les individus sous couvert d’autonomie. Travail et néolibéralisme font-ils bon ménage ?

La Guerre des centimes : course contre-la-montre

Le métier de coursier·e à vélo est de moins en moins rémunérateur et de plus en plus dangereux. En 2019, nous rencontrons Omar et Marwenn, tous deux contraints de travailler soirs et week-ends pour financer leurs études et aider leurs familles.

Leur ami Nader Ayach dévoile les difficultés et les épreuves de ces « forçats de la route ». Chaque livreur·euse est payé·e à la tâche. Sans contrat, ils sont infiniment remplaçables et difficilement audibles. Tout en leur faisant miroiter liberté et autonomie, leur statut d’auto-entrepreneur·euse reste précaire.

En attendant les robots : les dataworkers sacrifiés de l’IA

Natan Castay montre le travail solitaire des turfistes, ces micro-travailleur·euses des GAFAM payé·es pour entraîner les intelligences artificielles à domicile en floutant, découpant et analysant textes et images pour quelques centimes. Leurs missions rapportent bien moins que le SMIC, car ils doivent passer un bon nombre d’heures avant d’obtenir un réel gain en bons d’achat Amazon. Les intéréssé·es sont souvent précarisé·es et éloigné·es de l’emploi, étudiant.es, parents célibataires, personnes en situation de handicap ; ils vivent majoritairement dans les pays du Sud. Pour le plus grand profit de Jeff Bezos, le PDG d’Amazon.
Des centaines de millions de travailleur·euses de l’IA sont précaires, certain·es se racontent dans le film d’Henri Poulain : Les sacrifiés de l’IA (non disponible sur Les yeux doc)

État limite : services publics à bout de souffle

On le savait bien avant la crise sanitaire de 2020 : l'hôpital public va mal. Alors quand on suit avec État limite le combat d’un médecin héroïque courbé sous l’ampleur de la tâche, seul et unique psychiatre sur toute une unité d’urgence dans un hôpital de la région parisienne sous tension, on ne peut que se rendre compte du fait que la logique de résultats appliquée à l'hôpital altère la qualité des soins, malgré les compétences et l'engagement de toutes celles et ceux qui y travaillent.

Rêver sous le capitalisme : employé·es au bord de la crise de nerfs

Les effets destructeurs du management toxique sur la santé mentale ne sont plus à prouver. Ici ce sont 12 récits, 12 cauchemars qui restituent à quel point le travail hante notre sommeil. Narrés en voix off devant les images léchées des immeubles de bureaux ou face caméra, ils dévoilent les monstres bien réels engendrés par le capitalisme.

En savoir plus

Lire sur le site du Sénat le rapport n° 808 (2024-2025) du 1er juillet 2025 : Commission d'enquête sur l'utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants
Lire sur Mediapart : LVMH : au Bon Marché, de bien mauvaises conditions de travail | Mediapart, 13 juillet 2025
Écouter sur France culture : Travailleurs des plateformes : peut-on sortir de l'ubérisation ?, 22 mars 2024
Ecouter sur France Inter : France télécom : chronique d’une tragédie sociale, 22 janvier 2020
Lire sur Le Monde : Harcèlement chez Ubisoft : trois anciens cadres condamnés à des peines allant jusqu’à trois ans de prison avec sursis, 02 juillet 2025
Découvrez le septième volet de la série de rencontres « Le Documentaire : matière à penser », organisé par LaScam, ARTE, le CNC et La Fémis sur la chaîne YouTube de LaScam.