La Guerre des centimes
La Guerre des centimes retrace, le temps d’une livraison, la vie de deux coursiers à vélo à Paris. À travers le double portrait d’Omar et Marwenn, nous découvrons le quotidien de beaucoup de jeunes travailleur·ses, étudiant·es ou en reconversion professionnelle, français·es ou étranger·ères, qui prennent chaque jour des risques pour quelques euros.
Pour filmer le quotidien des coursier·ères à vélo, Nader S. Ayache ne s’économise pas. À califourchon sur sa monture, le nez collé à son guidon, le réalisateur nous emmène dans le milieu fermé des livreur·ses. On leur a vendu d’être « leurs propres patron·nes », des horaires souples et des revenus conséquents. Cependant, le « travailler plus pour gagner plus » n'a pas l’air de relancer l’ascenseur social et l’ubérisation du travail semble plutôt bénéficier aux plateformes qu’à leurs employé·es – enfin, « entrepreneur·ses ». Entre des travailleur·ses nombreux·ses et facilement remplaçables, la solidarité est mise à l'épreuve par la concurrence pour obtenir des courses à des prix de plus en plus faibles. Entraide et amitié subsistent toutefois, conduisant à des embryons de revendications et d’actions communes.
Au-delà des images de mobilisation documentant un mode de vie aux lendemains incertains et la précarisation du travail, Nader S. Ayache intègre une indéniable générosité ainsi qu’une inventivité formelle au sein d’un premier film fauché mais riche en trouvailles. Le réalisateur manie notamment des gros plans rappelant ici la spontanéité de la Nouvelle Vague, ailleurs un split screen surprenant nous renvoyant au Nouvel Hollywood. Ainsi, dans une forme légère et libre, il humanise les forçats des plateformes, montre leur débrouillardise et raconte des trajectoires singulières derrière les uniformes.