Du Brésil à l’Australie, les Rencontres 2025 mettent en lumière « la diversité des cultures, des genres et des origines » et donnent une représentation et de la dignité à des communautés souvent fragilisées, marginalisées ou invisibles : autochtones, queer, féministes, LGBT, précaires, etc.
Marvel australien : c’est la communauté de Warakurna, dans le nord de l’Australie, qui est mise en avant sur l'affiche de la 56e édition. Un enfant costumé en super-héros se tient droit sur une voiture rouillée, armé d’un bouclier aux teintes du drapeau aborigène. Tony Albert et David Charles Collins ont capturé l’affirmation identitaire d’un peuple avec l’exposition « On country : photographie d’Australie », à découvrir à l’église Saint-Anne.
Ping-pong. Anna Fox et Karen Knorr répondent aux photographies de Bérénice Abbott prises en 1954 sur la célèbre Route One des États-Unis (US route 1) offrant une vision renouvelée de l’Amérique contemporaine, campée sur ses positions pro-Trump, tandis que Nan Goldin confronte ses photographies intimes (ami·es et amours) à des peintures illustres de la Renaissance. (Syndrome de Stendhal).
Enfin, Marion et Philippe Jacquier, fondateurs de la galerie Lumière des Roses (Montreuil), présentent Éloge de la photographie anonyme au cloître Saint-Trophime. Leur fonds d’images d’anonymes et d’amateurs (photos de famille, historiques, polissonnes ou scientifiques), désormais donné au Musée de Grenoble, rend compte de la richesse de la photographie vernaculaire.
Les films de cette sélection valorisent tout particulièrement les images d’amateurs ou d’inconnu·es et font écho aux thématiques du festival.
Sébastien Lifshitz, amateur d'images sur le travestissement, découvre Casa Susanna, un recueil de photographies en couleur chinées par le collectionneur Robert Swope sur un marché aux puces new-yorkais. Dans cette collection d’anonymes, des hommes travestis en épouses modèles de la classe moyenne posent devant un paysage de montagnes idyllique et à l’intérieur d’une maison appelée « Casa Susanna ». Accompagné d’Isabelle Bonnet, historienne de la photographie ayant accompli un travail de recherche sur ce lieu atypique, mais majeur de l’histoire des communautés LGTBQ, le cinéaste va retrouver les personnes photographiées pour recueillir leurs témoignages.
Sonja André vit dans un jardin idyllique en France ressemblant à une île du Pacifique. Dans Motu Maeva, elle raconte son histoire à Maureen Fazendeiro en lui confiant des images de son passé, archives de sa jeunesse, donnant corps à ses souvenirs.
Dinah Ekchajzer réalise son film de fin d’études en section montage à la Fémis à partir d’images d’archives. C’est à la fois une thématique imposée par l’école et l’occasion de s’attaquer à l’imposant corpus de films, cassettes, photographies réuni par sa grand-mère Madeleine pendant son voyage en Afrique de l’Ouest, au début des années soixante.
Motu Maeva et Vas-y voir mettent en avant la beauté et la vibration des images en pellicule des années 50-60. Les deux réalisatrices plongent dans une époque en s’interrogeant sur les liens familiaux intergénérationnels. La vocation mémorielle des images de familles ou personnelles issues des fonds privés ont une portée universelle.
En relation avec les images des années 1950 de Bérénice Abott et celles des années 2010/2020 d’Anna Fox et Karen Knorr, invitation à voir et revoir encore le film de Robert Kramer Route One / USA. Ce carnet de voyage, road-movie documentaire de la fin des années 1980 suit le « doc », personnage fictif, à la rencontre des marges de l’impérialisme étasunien.
« La route n°1 relie le Canada à Key West en Floride. En 1936, c’était la route la plus utilisée dans le monde. En 1988, elle court le long d’immenses autoroutes, et traverse les banlieues, fine bande de macadam qui traverse les vieux rêves du pays. Quand j’ai filmé pendant cinq mois le long de cette route, je n’ai pas eu l’impression de traverser le passé mais plutôt de révéler le présent. A l’ombre des échangeurs, les centres villes de verre et d’acier se découpaient à l’horizon, comme des décors de studio. Nous étions dans le présent, affrontant des temps difficiles ». Robert Kramer