Route One / USA. 2
Un homme revient aux États-Unis après une longue absence et part à la rencontre de son pays, du Maine à la Floride, le long de la Route N°1 qui traverse le pays du Nord au Sud. Cet homme est un personnage de fiction, un médecin, mais surtout le questionneur, l'observateur, le miroir des personnes et situations réelles qu'il rencontre. Ce personnage est aussi l'alter ego du réalisateur qui voyage à ses côtés, commente son retour, reprend le fil des souvenirs. Les êtres, les lieux, les situations déclinent le portrait en profondeur des USA, du côté des coulisses, du côté des perdants, du côté de la mémoire, des conflits, des contradictions. Une vieille femme puritaine prédit la fin du monde, des intégristes assiègent une clinique où se pratique l'avortement, le monument aux morts du Viet-nam ressemble aux statues qui rappellent la Guerre de Sécession, un homme conserve la voiture de Kennedy dans son musée des crimes, les Noirs des ghettos se sentent en guerre, les membres d'un dispensaire new-yorkais ne font plus face à la détresse qui les entoure. Petites et grandes histoires, mémoire collective et individuelle, distance et intimité se mêlent dans une géographie de l'histoire américaine qui éclaire autant le futur que le passé. «Des gens qu'il rencontre et qu'il écoute le long de la Route One, Robert Kramer n'attend aucune vérité : il se contente de les suivre dans une phase de leur existence, toujours selon le principe qu'on ne doit filmer que des gens qui travaillent en même temps à quelque chose [...] Ironiquement, cet homme parti parce que lui pesait trop le mal par l'impérialisme américain (des Indiens aux Vietnamiens) revient dans un pays qui, pour la première fois de son histoire, n'est ni au centre du monde ni même au centre de lui-même. Seul un exilé de l'intérieur comme Kramer peut continuer à aimer l'Amérique, de force, s'il le faut. (Serge Daney. «Cahiers du Cinéma», décembre 1990)