Deux œuvres nous font entrer par la petite porte des studios et des clubs de nuit dans l’intimité de musiciens ne figurant pas parmi les plus célèbres, mais totalement dévoués à leur art : les Country Teasers, un groupe de punk-rock anticonformiste de la cité industrielle écossaise de Glasgow et Oiseaux-Tempête, un collectif de rock expérimental enregistrant à Beyrouth dans le contexte d’un Liban asphyxié par la crise politique et économique.
Gisella Albertini et Massimo Scocca, tous deux musiciens et rédacteurs pour des fanzines italiens, voyagent en Europe et aux États-Unis dans les années quatre-vingt-dix pour filmer au caméscope des concerts de garage-punk. Les deux journalistes suivent la tournée européenne des Country Teasers, groupe écossais de « déglingués » qui, à chaque concert, défraient la chronique. Vingt ans plus tard, rejoints par Nicolas Drolc, cinéaste basé à Nancy auteur de films sur la contre-culture ou la musique underground, ils décident d’exhumer ensemble leurs huit heures de rushes et de les rapprocher d’interviews des membres du groupe, aujourd’hui vieillis, mais dont l’excentricité est bien intacte. Le film parvient à restituer la puissance du rock et d’un certain je-m'en-foutisme et à brosser le portrait de Ben Wallers, le chanteur, toujours habillé en costume-cravate, leader complexe et habité d’un garage-band à mi-chemin entre country et punk.
On retrouve dans Khamsin le même « bruit » dans l’image que dans le film précédent, car les réalisateurs Grégoire Orio et Grégoire Couvert ont choisi de filmer au caméscope Hi8, ce qui apporte une certaine texture à l’image. Ces cinéastes de la région parisienne sont tous deux familiers du groupe de musique expérimentale français Oiseaux-Tempête, c’est donc tout naturellement qu’ils ont suivi les deux membres originels du groupe Frédéric D. Oberland et Stéphane Pigneul quand ceux-ci sont partis enregistrer leur troisième album à Beyrouth avec des musiciens des scènes locales.
Entre 2016 et 2018, ils font plusieurs voyages au Liban, rencontrent beaucoup de personnalités et découvrent les réalités du pays : ses guerres civiles, les dix-huit confessions qui coexistent comme elles le peuvent, son territoire étroit, sa corruption, les faiblesses de sa Constitution… Leur film propose un patchwork de musique, de discours sur la politique, de paysages et de gros plans de visages de musiciens saisis en plein processus de création. Différentes strates s’y superposent : les mots de Mahmoud Darwich, les ruines antiques de Baalbek, les paysages de Raouché, ce littoral de Beyrouth défiguré par les sociétés immobilières, et le travail des musiciens cherchant à construire, en improvisant, une œuvre musicale collective.