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This film should not exist © Nicolas Drolc

This film should not exist

Bien qu’il n’ait jamais atteint le sommet des "charts", le guitariste et chanteur Ben Wallers a marqué la scène musicale britannique de la fin du 20e siècle en participant à l’aventure de plusieurs groupes et projets, dont les Country Teasers, avec lesquels il s’est produit dans les pubs de Glasgow, accompagnant une musique punk aux accents country de ses textes irrévérencieux.

Au-delà du rockumentary classique, ce "film qui ne devrait pas exister" invite à profiter du joyeux désordre laissé par le passage des Country Teasers, groupe de garage-rock écossais aux membres hauts en couleur, habités, provocants et pour certains, partis trop tôt. Même si les mauvais garçons des Country Teasers sont restés dans l’ombre des grands groupes contemporains comme Blur ou Oasis, les mélomanes s'intéressent aujourd’hui à la créativité foisonnante du groupe, plusieurs années après sa dissolution. Leur premier atout, c'est leur musique sombre, brute, basique, influencée par la radicalité de Joy Division, Devo ou Bauhaus. Ils sont aussi à la croisée des influences entre la scène punk anglaise et le rock américain, certaines de leurs chansons ont des accents country dignes des meilleurs groupes texans. Enfin, ils sont portés par le charisme de leur leader, Ben Wallers, habillé en costume-cravate, petit chapeau sur la tête et lunettes rondes, dont les textes sibyllins et la voix grave ont tant marqué les fans.

Crédités comme co-auteurs, Gisella Albertini et Massimo Scocca, critiques italiens de la scène underground, ont filmé en 1995 la tournée européenne des Country Teasers. Leurs huit heures de rushes, tournées au caméscope, ont servi de base au documentaire. Des extraits de ces concerts débraillés (les musiciens étaient connu pour leur addiction à l’alcool) voisinent avec des entretiens de membres du groupe, aujourd’hui plus installés dans l’existence. Le film donne la parole à divers électrons libres de la scène punk gravitant autour des Country Teasers, tel le barde David Edwards du groupe gallois Datblygu, et explore la carrière musicale de Ben Wallers, notamment en solo sous l’étiquette “The Rebel”. Même si l’outrance incontrôlée des débuts a fait place à un dilettantisme assumé et militant, Ben et ses amis musiciens auront cultivé jusqu’au bout un goût certain pour l’excentricité. Ce film, qui porte un regard admiratif sur la scène alternative des années quatre-vingt-dix, se lit aussi comme un hommage à un mode de vie et de pensée tourné vers l’art et la liberté.

L'avis de la bibliothécaire

Léa Gagnant, Images en bibliothèques
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Nicolas Drolc nous propose un voyage dans les années 1990, auprès des Country Teasers, groupe de musique indé, ni vraiment rock’n’roll, ni vraiment garage band, dont la musique parfois salace, toujours irrévérencieuse, nous atteint comme un coup-de-poing. Quelques interviews contemporaines des artistes commentent les images d’archives des concerts et des tournées. On constate avec amusement la transformation de ces impétueux adolescents en de sages adultes, qui troquent leur soif insatiable de bière pour une tasse de thé. Mais This Film Shouldn’t Exist n’est pas seulement le portrait de la scène post-punk britannique, ou celui d’un groupe disparu et de son charismatique leader, Ben Wallers (The Rebel). Il est aussi un film musical, dans lequel on se laisse volontiers emporter.

+ d'infos

Lire l'entretien avec le réalisateur Nicolas Drolc sur Bpipro, le site professionnel de la Bpi.

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