This film should not exist
Bien qu’il n’ait jamais atteint le sommet des "charts", le guitariste et chanteur Ben Wallers a marqué la scène musicale britannique de la fin du 20e siècle en participant à l’aventure de plusieurs groupes et projets, dont les Country Teasers, avec lesquels il s’est produit dans les pubs de Glasgow, accompagnant une musique punk aux accents country de ses textes irrévérencieux.
Au-delà du rockumentary classique, ce "film qui ne devrait pas exister" invite à profiter du joyeux désordre laissé par le passage des Country Teasers, groupe de garage-rock écossais aux membres hauts en couleur, habités, provocants et pour certains, partis trop tôt. Même si les mauvais garçons des Country Teasers sont restés dans l’ombre des grands groupes contemporains comme Blur ou Oasis, les mélomanes s'intéressent aujourd’hui à la créativité foisonnante du groupe, plusieurs années après sa dissolution. Leur premier atout, c'est leur musique sombre, brute, basique, influencée par la radicalité de Joy Division, Devo ou Bauhaus. Ils sont aussi à la croisée des influences entre la scène punk anglaise et le rock américain, certaines de leurs chansons ont des accents country dignes des meilleurs groupes texans. Enfin, ils sont portés par le charisme de leur leader, Ben Wallers, habillé en costume-cravate, petit chapeau sur la tête et lunettes rondes, dont les textes sibyllins et la voix grave ont tant marqué les fans.
Crédités comme co-auteurs, Gisella Albertini et Massimo Scocca, critiques italiens de la scène underground, ont filmé en 1995 la tournée européenne des Country Teasers. Leurs huit heures de rushes, tournées au caméscope, ont servi de base au documentaire. Des extraits de ces concerts débraillés (les musiciens étaient connu pour leur addiction à l’alcool) voisinent avec des entretiens de membres du groupe, aujourd’hui plus installés dans l’existence. Le film donne la parole à divers électrons libres de la scène punk gravitant autour des Country Teasers, tel le barde David Edwards du groupe gallois Datblygu, et explore la carrière musicale de Ben Wallers, notamment en solo sous l’étiquette “The Rebel”. Même si l’outrance incontrôlée des débuts a fait place à un dilettantisme assumé et militant, Ben et ses amis musiciens auront cultivé jusqu’au bout un goût certain pour l’excentricité. Ce film, qui porte un regard admiratif sur la scène alternative des années quatre-vingt-dix, se lit aussi comme un hommage à un mode de vie et de pensée tourné vers l’art et la liberté.