Je me souviens d’un débat après une projection, un homme dans le public avait pris la parole pour dire qu’il avait beaucoup aimé “on aurait dit un vrai film de cinéma”. Il s’embourbait alors dans un laïus trop souvent entendu, où le cinéma documentaire serait autre chose que du cinéma, oubliant peut-être que les premiers films Lumière émergeaient déjà du réel. L’écriture, le cadrage, le montage, le travail en amont et en post-production, tout fait cinéma. Jean-Louis Comolli, critique et cinéaste, abhorrait les frontières artificielles posées entre documentaire et fiction : “Je pense que la fiction est tout autour de nous. Elle est en nous, elle est partout et n'est pas cantonnée dans un département qui s'appellerait Films de fiction. C'est absurde. Vous êtes une fiction, je suis une fiction, nous sommes des fictions.”. Alors, quand le cinéma documentaire de création s’intéresse au cinéma, c’est sans doute pour répondre à un écho trouble et intense, créer une boucle qui vient dire et affirmer au monde que le cinéma est bel et bien ancré désormais dans nos réalités, dans ce qui fait société, dans nos vies au quotidien, dans et hors de l’écran.
À travers ce récit, Antoine Ravon rend hommage à Marceline Loridan-Ivens, figure du cinéma direct. Elle reprend vie grâce aux photos et aux décors miniatures fabriqués pour l’occasion. L’ancien étudiant du Master « le Documentaire, écritures du monde contemporain » raconte l’empreinte laissée par cette rencontre et les derniers mois de la cinéaste qu’il a pu accompagner. Ainsi, resurgit en pointillés l’âme de cette femme engagée.
Claudio Pazienza plonge dans l’âme du cinéma à travers les pellicules rongées par l’acide et la mémoire abritée par la Cinémathèque royale de Belgique. Si le lieu tente de préserver la matière pour lui permettre d'échapper à l’emprise du temps, le cinéaste intimiste et poète, lui, puise dans ces bobines pour faire surgir un récit. Il alterne images d'archives, scènes tournées chez lui et d'autres à la Cinémathèque, présentant un cinéma organique qui prouve d’autant plus son aspect vivant lorsqu'il laisse apparaître la fragilité du support.
Quatre réalisateurs soudanais décident de réhabiliter un cinéma pour réanimer des moments de partage et de vie ensemble. Ils ont vieilli mais leur rêve de voir des séances collectives reprogrammées est intact. Malgré les obstacles et les difficultés, ils s’acharnent. Le film aborde les rapports et les conséquences des décisions politiques sur les possibilités données au cinéma d’exister que ce soit dans sa fabrication, sa diffusion et sa conservation. “La Révolution” cinéma en plein air pourra-t-il re-vivre grâce à la persévérance de ces passionnés ?
Harun Farocki décrypte la façon dont le cinéma représente la classe ouvrière depuis sa création. C’est par l’effet d’accumulation, de comparaison, de succession que le réalisateur parvient à produire le sens caché de ces flopées d’images tournées aux portes des usines, avant et après le travail. En partant du film des frères Lumière tourné en 1895 et en s’appuyant sur des séquences de plusieurs autres films tournés depuis, le penseur et cinéaste allemand parvient à faire accoucher le cinéma de la condition ouvrière et de ses luttes sociales.
Ces courts métrages tournés au Centre Pompidou retracent la vitalité du lieu et son rôle majeur dans la diffusion du cinéma. Entendre ces artistes parler de leur parcours et de leurs œuvres est un pas de plus vers la découverte ou la redécouverte de films qui ont marqué l’histoire du cinéma international, d’Agnès Varda à Christian Petzold en passant par Barbet Schroeder entre autres.
Antoine Ravon, 2020, 16 min
Claudio Pazienza, 2009, 64 min
Suhaib Gasmelbari, 2019, 93 min
Harun Farocki, 1995, 30 min
Jean-Marc Poirier, 2015, 17 min
Barbet Schroeder, 2017, 13 min