les yeux doc

Les années soixante, de rêves en révolutions

Chronique d'un été © Argos Films
En 1978, Jane Birkin fredonnait doucement “Ex-fan des Sixties, où sont tes années folles ?” En quelques films, petit flashback sur les années 60, une époque mouvementée tant au niveau social que politique.
Les “Swinging Sixties”

Les Swinging Sixties, ou Swinging London, est un courant culturel des années 1960 en Grande-Bretagne qui conjugue modernité et soif de consommer. Parmi les symboles de cette période, on trouve la minijupe, les mannequins populaires, la sous-culture mod, les grandes zones commerciales, et les groupes de rock. Avec pour toile sonore The Beatles, The Rolling Stones, The Who, Led Zeppelin ou encore Pink Floyd, la jeunesse anglaise influence le monde entier. Elle s’habille dans les boutiques fashion de Carnaby Street et de Kings Road, elle est relookée par Mary Quant, coiffée par Vidal Sassoon, photographiée par David Bailey, portée à l’écran par Michelangelo Antonioni et peinte par David Hockney. Le film A bigger splash (1973) de Jack Hazan raconte la fin de cette effervescence culturelle et suit le nouveau départ du peintre David Hockney aux États-Unis pour découvrir le way of life californien.

A Bigger Splash

USA : des années d’expérimentations

Parmi la nouvelle génération d’artistes de la contre-culture américaine des années 60, on retrouve Shirley Clarke, Jonas Mekas ou John Cassavetes… Grâce à la découverte du matériel léger et du son portatif, ces cinéastes de l’avant-garde new-yorkaise, loin du cinéma hollywoodien, expérimentent des formes nouvelles. Portrait of Jason (1967) donne à voir justement une expérience, enivrée, dans une chambre du Chelsea Hotel à New-York. Entre l’interview et la performance théâtrale, un dialogue sans fards s’instaure entre Shirley Clarke et Carl Lee, les cinéastes, et Jason Holliday, musicien homosexuel ayant cumulé petit boulots et prostitution afin de bourlinguer dans tous les milieux sociaux. La verve sans détours et les expériences vécues par le personnage racontent l’époque dans une frénésie d’alcool : le racisme, les inégalités de classe et la libération sexuelle.

La même année, Frederick Wiseman passe du droit au cinéma avec Titicut Follies, brûlot sur les conditions de détention au sein de l’unité carcérale psychiatrique de Bridgewater (MA), États-Unis.  Avec les frères Maysles (Salesman, Grey’s Garden…), Richard Leacock ou Donn Alan Pennebaker, (1975), Wiseman deviendra l’un des représentants du “cinéma direct” américain, une nouvelle approche du cinéma documentaire, plus immersive offrant une plongée dans le réel.

Portrait of Jason, Titicut Follies, Grey Garden

A quoi rêvent les Français en 1960 ?

Traversons l'Atlantique où le “cinéma-vérité”, versant français du cinéma direct, démarre avec les expériences africaines de l’ethnologue Jean Rouch (Les Maîtres fous en 1946, Moi, un Noir en 1958). Avec son acolyte, le sociologue Edgar Morin, ils s’emparent eux-aussi des nouvelles caméras portatives en 16mm et du son synchrone (le magnétophone Nagra) afin d’aller à la rencontre des Français pour un micro-trottoir géant sur le thème du bonheur (Chronique d’un été, 1960). La séquence où Marceline Loridan-Ivens évoque sa déportation en déambulant dans les rues de Paris est une scène d’anthologie de l’histoire du cinéma. Au niveau sociologique, le film augure un renouveau et annonce les velléités de liberté de la jeunesse française qui, entre les yéyés, la libération sexuelle et mai 68, connaîtra de nombreux bouleversements.

Chronique d’un été, Les Maitres fous

France : de la décolonisation à la coopération

En 1958, le remplacement de l'Union française par la Communauté française marque le début des mouvements d’indépendances dans les colonies. Après l’Asie (Indochine…), les pays du Maghreb et d'Afrique de l’Ouest accèdent successivement à l’indépendance. En décembre 1958, la Côte d'Ivoire devient une république autonome et le 3 août 1960, Diori Hamani proclame l'indépendance du Niger dont il devient, quelques mois plus tard, le premier président. La fin de l’Afrique-Occidentale française (AOF) ouvre sur une période de coopération entre la France et les pays d’Afrique de l’Ouest. La photographe et cinéaste Madeleine Mitton part en Afrique avec sa jeune fille Félicie dans ce cadre. Quelques années plus tard, elle ramène dans ses valises des rouleaux entiers de pellicule sur les habitants du Niger et de Côte d’Ivoire et probablement, un chagrin d’amour, à découvrir dans le film Vas-y-voir (2020).

Les accords d’Evian signés en 1962 suite au référendum sur l'indépendance de l'Algérie accordent à la France du Général de Gaulle le droit de poursuivre des essais nucléaires dans le désert algérien. Le film (A(t)home dévoile un incident nucléaire méconnu.

Vas-y-voir, At(h)ome

Agit prop et géopolitique mondiale

Les années soixante sont révolutionnaires. En pleine guerre froide et face à la montée de l'impérialisme américain, les penseurs et intellectuels français s’inspirent des mouvements communistes en Chine ou à Cuba. “L’Agit-prop”, un cinéma militant aiguillonné par les modes de diffusion des idées révolutionnaires, commence. Ainsi, toujours en 1967 Jean-Luc Godard réalise La Chinoise inspiré par le petit livre rouge de Mao, Chris Marker, Joris Ivens et bien d’autres s’insurgent contre la guerre dans Loin du Vietnam… Avec Salut les Cubains, Agnès Varda confirme l'admiration  que les intellectuels de gauche ont pour le projet politique et culturel de Fidel Castro. Le film Ernesto Che Guevara, le journal de Bolivie de Richard Dindo permet d’éprouver l’expérience révolutionnaire en suivant les derniers mots couchés dans le journal du Che, peu avant sa mort en 1967 en pleine guérilla.

Enfin, le film Muhammad Ali, the Greatest de William Klein donne à voir l’un des hérauts du Black Power. Le boxeur est une figure indisciplinée farouchement opposée à la guerre du Vietnam. Le film donne à voir le retour aux sources des Afro-Américains dans une Afrique décolonisée avec le combat mythique d’Ali à Kinshasa.

Salut les Cubains, Ernesto Che Guevara, le journal de Bolivie, Muhammad Ali The Greatest 1964-1974

Un grand merci à la Bibliothèque Maupassant de Bezons pour son article inspirant sur le Swinging London