les yeux doc

Portraits de sportifs

Empire de la perfection © UFO 2018
Pour la première fois de leur histoire, bien qu’annulés pour cause de guerre en 1916, 1940 et 1944, les JO de Tokyo prévus en 2020 ont été reportés en 2021 en raison de la pandémie. Pour un athlète de haut niveau, participer aux Jeux Olympiques est à la fois la récompense de tous les sacrifices et un défi : se surpasser.

En ajoutant « Ensemble » à la devise « Plus vite, plus haut, plus fort » le Comité International Olympique ne marque-t-il pas une volonté de circonscrire culte de la performance et course au dopage ? Restent les athlètes. Ils sont le cœur et au cœur des Jeux. Quatre films permettent d’approcher, de comprendre ce qui anime, ce qui fonde le désir de certains grands sportifs.

Contre-la-montre, de Finlay Pretsell

Contre-la-montre est un film immersif qui saisit l’essence du cyclisme. Finlay Pretsell, qui eut lui-même une carrière cycliste, fait un portrait visuel et sensoriel de David Millar, champion déchu après s’être dopé à l’Epo et repenti. Prenant le contre-pied du film d’athlète classique avec interviews et images d’archives, le film saisit Millar tandis qu’il s’est engagé dans sa dernière saison professionnelle en 2014 avant de prendre sa retraite à 37 ans. Le film capte le sport de l’intérieur, transmet la sensation de la course, le sentiment viscéral de la vitesse, le chaos, mais aussi la vie quotidienne, le microcosme de l’équipe, l’univers étouffant des grandes courses cyclistes. Contre-la-montre est l’histoire d’une obsession sportive qui reste vivace envers et contre tout autant que celle d’un athlète découragé à la fin de sa carrière. David Millar reste un mystère fait de beauté sur le vélo, de souffrance émotionnelle : un homme face à lui-même et à son désir (à son chant du cygne) de participer à son dernier Tour de France.

L'Empire de la perfection, de Julien Faraut

Si Contre-la-montre refuse les images d’archives, L’Empire de la perfection se développe autour d’elles. Deux personnalités, deux perfectionnistes, s’y côtoient grâce au langage cinématographique. L’un est le joueur de tennis, peut-être le plus doué de sa génération, John McEnroe ; l’autre est le cinéaste-tennisman Gil de Kermadec (1922-2011) qui réalisa une série de films sur des champions de tennis. Dans sa première partie, le film construit et déconstruit à la fois le portrait d’un artiste du tennis. Il analyse le style, le service, la stratégie du tennisman d’exception connu aussi pour son tempérament explosif, ses colères mémorables et ses âpres discussions avec les arbitres. La deuxième partie montre les moments forts de la finale du tournoi de Roland-Garros de 1984 où s’opposèrent Lendl, l’imperturbable et McEnroe, l’enfant terrible. Ce duel au soleil, western sur terre battue, verra la défaite du Gaucher, victime du combat désespéré et perdu d’avance qu’il tente de mener contre un perfectionnisme envahissant dont il ne peut se départir.

Beau joueur, de Delphine Gleize

L’Empire de la perfection analyse la contre-performance d'un athlète lors d’une finale, Beau joueur suit la saison catastrophique 2016-2017 de l'équipe de l’Aviron bayonnais rugby pro après celle, pleine d’espoir et de ferveur, de leur montée en top 14. Delphine Gleize aime le rugby. La passion qu’elle éprouve depuis l'enfance pour ce sport s’exprime par sa persévérance à accompagner les beaux et bons joueurs, à ne jamais les lâcher dans leur descente aux enfers, celle des tréfonds du tableau et de la relégation. Delphine Gleize filme les corps, dans les vestiaires, quand les joueurs se strappent tels des guerriers dans le déchirement des bandes de coton adhésives. Ce rapport sensuel à une musculature et des articulations qu’il faut protéger montre un grand respect pour ces sportifs qui savent qu’ils vont souffrir et devoir encaisser. L’athlète a mal. Trouve-t-il dans la souffrance une justification à ses efforts ? Tandis que tous les discours de l’entraîneur achoppent, reste tenace et percutant celui du capitaine dans l’immédiat avant-match où s’expriment la dynamique et la force du partage, l’essence du sport collectif, la solidarité dans la défaite, surtout dans la défaite.

Cassandro the Exotico!, de Marie Losier

Cabossé, abimé jusqu'à la rupture tel est le corps de Cassandro, catcheur-icône de la lucha libre mexicaine. Cassandro est un exotico, un de ces luchadores qui revendiquent leur homosexualité. Marie Losier filme son corps, certes disloqué mais toujours nimbé d’élégance. Le magnétisme de Cassandro est redoublé par l’ambiguïté générée par le travestissement féminin de mise pour tout exotico. Marie Losier pose sa caméra complice et bienveillante sur un homme à la fois exubérant et fragile dont le mental est marqué par les violences subies dans son enfance. Personnage de la rédemption, Cassandro fascine tout en gardant précieusement son mystère.