Roland Gori. Une époque sans esprit
Aujourd’hui, nous vivons dans un monde sans esprit où la marchandise et le spectacle ont envahi nos existences, où au nom de la rentabilité, la quantité a remplacé la qualité dans tous les domaines. Ce film propose un portrait intime de Roland Gori, psychanalyste, universitaire et essayiste, connu pour ses combats contre la marchandisation de l’existence et la dépréciation des métiers.
Simplement, attentivement, avec le souci de saisir au vol une pensée complexe et de la transmettre au monde, Xavier Gayan a toqué à la porte du psychanalyste Roland Gori, installant son dispositif filmique au domicile marseillais de ce praticien très actif, initiateur en 2008 de l’Appel des appels, qui réunit des professionnels du soin, du travail social, de l’éducation, de la justice, de l’information et de la culture opposés à l’idéologie destructrice de la norme et de la performance.
Les premières minutes du film se déroulent dans le bureau de Roland Gori, où celui-ci entame un dialogue fécond avec la caméra qui le scrute et se rapproche insensiblement. C’est un moment où le spectateur, pourvu qu'il soit attentif, peut s’ouvrir au monde mystérieux de l’analyse, à travers des thématiques qui guident sa compréhension et l’invitent à réfléchir à des notions-clé de la thérapie psychanalytique, comme le manque ou l’écoute. Roland Gori a très tôt observé la désagrégation des relations humaines dans la société, effet pervers qu’il attribue à la progression de l'idéologie néo-libérale et à ses théories : la notion d’utilité opposée à celle de plaisir, mise en œuvre notamment dans l’éducation des enfants, le quadrillage des comportements sociaux, la culture du chiffre et de l’évaluation imposée par les experts.
Divers participants viennent enrichir le portrait de Roland Gori et apporter leur soutien à son combat : la philosophe Barbara Cassin, le médecin Marie-José del Volgo, les éditeurs Henri Trubert et Sophie Marinopoulos, le directeur de théâtre Richard Martin. Émaillé de citations d’auteurs (Benjamin, Freud, Lacan, Foucault, Negroponte…), le film se clôt sur la question de la liberté, que le penseur marseillais évoque sans détour : « Je sais ce que je dois à ceux qui m’ont formé, mais je ne sais pas si je suis un homme libre. Le pays n’est plus qu’une assemblée de copropriétaires. C’est la liberté privée, amputée de sa part politique. »