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America © La Luna

America

Claudio Minoia, né en Grèce, élevé à Venise et marié à Tarente, a été assassiné à New-York. Giacomo Abbruzzese reconstitue la vie secrète de son grand-père sous la forme d’un carnet de voyage, d’une enquête et d’un portrait familial qui plonge le spectateur dans la capitale américaine des années soixante.

À travers une large sélection d’archives photographiques, notamment familiales, le cinéaste met en images le récit partagé par des dizaines de milliers de Polonais, d’Irlandais ou d’Italiens ayant quitté leur pays d’origine pour tenter leur chance aux États-Unis. Les histoires de familles italiennes émigrées en Amérique, immortalisées par le cinéma ou la littérature, ont imprégné notre imaginaire collectif. Giacomo Abbruzzese voit ainsi de prime abord son grand-père en caïd de la pègre. Quelles autres motivations pourraient expliquer son départ, si ce n’est la volonté de s'enrichir et de s'élever socialement ? L’issue de ce film est toutefois plus intime que celle d’un film de gangsters. Elle rend la trajectoire de Claudio d’autant plus touchante et universelle. Les archives familiales offrent une précieuse source d’information sur un contexte historique, social et culturel, quoique ces productions très normées se ressemblent à toutes les époques car elles invitent les familles à valoriser le modèle social dominant, en affichant devant la caméra l’image même du bonheur: enfants souriants, couples amoureux, événements festifs. Or, les images de la famille Minoia sont lacunaires. Claudio en est absent. Certaines photographies ont même été déchirées, symbole visuel de séparation, d'éclatement de la famille.

Si la trajectoire de Claudio, dont on apprend qu’il a vécu longtemps entre deux pays et deux familles qui ne se connaissaient pas, est inhabituelle, d’en observer les traces nous permet peut-être de la réhabiliter aujourd’hui. Le plus souvent, les films de nature intime ou familiale s’attachent à découvrir la vérité derrière les silences et les non-dits, pour aller vers un dévoilement qui fait office de révélation et de délivrance pour le narrateur. Rien de tel dans America, qui se présente comme une lettre adressée par Giacomo Abbruzzese à sa mère. Par l'intermédiaire de son fils, la fille de Claudio peut enfin avoir accès au passé et l’accepter. Le fait que Claudio se soit adonné avec passion à la photographie dans le cadre de sa seconde vie et que ses images lui aient survécu, prend une nouvelle dimension, consolatrice et potentiellement réparatrice. Comme si ce père de deux familles avait voulu laisser à la postérité une preuve de sa capacité au bonheur et interrompre ainsi le cycle des enfances orphelines.

L'avis du bibliothécaire

Jacques Puy, Bibliothèque publique d'information
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Giacomo Abbruzzese part sur les traces de son grand-père, né en Grèce, ayant fondé une famille dans le sud de l’Italie avant de la laisser tomber pour s’installer à New York où il vivra vingt ans et y mourra mystérieusement. Cette enquête, qu’il filme avec son téléphone portable, le mène vers des secrets de famille, des histoires d’abandon et de reconstruction. Il questionne, sans jugement et avec simplicité, des membres de sa famille qu’il connaît ou qu’il parvient à retrouver, afin de reconstituer le roman familial. Ils sont issus de différents milieux sociaux, de différentes cultures ; ils ont beaucoup voyagé, comme sa tante, partie sur les routes de l’Inde dans les années 70. Giacomo Abbruzzese nous captive en montant ce patchwork avec bienveillance, lui, le cinéaste italien voyageur, vivant en France, et ayant tourné ses précédents films en Israël, en Palestine, en Italie et aux Pays-Bas.

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Pour aller plus loin, consulter le dossier de presse du film paru à l'occasion de sa nomination aux césars 2022 du meilleur court métrage documentaire ©Luna productions Maje productions

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