les yeux doc

Mamacita © Plátano Films

Mamacita

Mamacita est une reine de beauté mexicaine extravagante vivant dans son propre royaume en compagnie de ses fidèles serviteurs. La dame âgée de 95 ans a transformé sa maison en château, cachant les plaies ouvertes d’une famille de la haute société. Quand José Pablo, son petit-fils, est allé étudier le cinéma à l’étranger, elle lui a fait promettre de revenir un jour au Mexique pour faire un film sur sa vie.

La « petite maman » du titre est une ex-reine de beauté mexicaine, aujourd’hui âgée de 95 ans et dotée d’une admiration sans bornes pour sa personne et sa réussite. Obsédée par le désir de rester vivante à jamais et de laisser une trace de sa grandeur à la postérité, Maria del Carmen Torrescano se souvient qu’un de ses vingt-trois petits-enfants, José Pablo, a quitté le Mexique pour l'Allemagne où il a suivi des études de cinéma. Après quelques échanges de part et d’autre de l’Atlantique, José Pablo part pour le Mexique et le film commence. Un film « de famille » sans véritables liens de famille, sans réelle confiance, sans vraie tendresse et où la fascination tient lieu d’amour. La première rencontre entre l’aïeule et son lointain rejeton aurait pu être explosive et sans lendemain, mais José Pablo a décidé d’avancer prudemment, sous couvert d’un humour potache et bon enfant, jusqu’à la réalisation de son projet, quasi-ethnographique: montrer la vie d’une famille de la grande bourgeoisie et la violence qui sous-tend les rapports sociaux entre les classes sociales et entre les membres d’une fratrie.

Comme les employés de maison constamment surveillés et sermonnés par leur patronne tyrannique, à laquelle ils sont néanmoins attachés au nom d’on ne sait quel syndrome de Münchhausen, les huit filles de Mamacita ont travaillé dur sous la férule de leur mère pour consolider l'expansion de l’empire du cosmétique qu’elle a créé. Si la grande question du film -l'amour et ses corollaires, le manque d'amour et la soif d'amour- est comprise d'emblée par le spectateur, le réalisateur parvient à introduire suffisamment d'ambiguïté pour que l’on regarde d’un œil intrigué l’évolution des relations entre la grand-mère indigne et le petit-fils pris dans les rêts d'une situation inconfortable (voir à cet égard la scène où Mamacita lui offre une maison de grande valeur, comme une reine distribuant des privilèges à ses vassaux). Jouant tout d’abord le rôle du parasite sans-gêne qui s’installe dans le luxueux nid familial sans en respecter les règles, José Pablo est peu à peu envoûté par la vieille dame qui lui impose un remodelage complet (vêtements, coupe de cheveux, régime hypercalorique). L’emprise culmine dans la grande scène finale où il revêt le flamboyant uniforme du grand-père de Maria del Carmen, général de l’armée mexicaine et homme cruel admiré par sa petite-fille. De cet arrière-arrière-grand-père au petit-fils, un lien se crée et il passe par la grand-mère. Le film en est le témoignage vivant : José Pablo a retrouvé sa place dans la famille Torrescano.

L'avis de la bibliothécaire

Sarah Doucet, Médiathèque d'Orléans, Orléans
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Mamacita, diva de la cosmétique au narcisse démesuré, est ravie que l'on réalise un film sur elle.

Et son petit-fils, jeune réalisateur, semble se prêter au jeu. Mais le film est loin d'être un portrait flatteur de cette vieille dame capricieuse qui sait être odieuse avec son personnel et dont l'image parait figée tout comme l'environnement dans lequel elle vit. Pourtant au fil de leurs conversations, José Pablo Estrada Torrescano creuse l'histoire familiale pour tenter de comprendre les blessures qui ont fortement marqué leurs vies à tous les deux et un lien se crée, laissant place à une tendresse inattendue.

Ni mélodrame, ni dénué d'humour, le film explore les multiples facettes de la vie de cette femme devenue une légende y compris pour elle-même. Mais il semble que ce soit une quête intérieure qui anime le réalisateur pour nous offrir un portrait en guise d'apaisement pour lui et sa grand-mère.

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