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Parler avec les morts

Parler avec les morts

Vingt-cinq ans après la guerre, un charnier est découvert au nord de la Bosnie. Darija Vujinovic sillonne le pays à la recherche des familles des disparus. Elle recueille leurs souvenirs et les quatre gouttes de sang nécessaires pour identifier les corps…

En septembre 2017, un charnier est découvert à Vlasiic, au nord de la Bosnie. L’équipe de médecine légale exhume les ossements de plus de 200 hommes, exécutés le 21 Août 1992. Travaillant pour l’ICMP, une organisation internationale, Darija Vujinovic sillonne le pays à la recherche des proches des disparus. Elle recueille leurs souvenirs et les gouttes de sang nécessaires à l'identification des corps. Dans une forêt de sapins au nord de la Bosnie, on déblaie des pierres sur un flanc de colline. Un nouveau charnier a été découvert là, en 2017, vingt-cinq ans après la guerre. Au milieu des agents de police et des familles éparses, quelques scientifiques en blouse inspectent les ossements. Plus tard dans leur laboratoire, ils tacheront de reconstituer des corps entiers, qu’il faudra encore identifier.

C’est à Darija Vujinovic qu’il revient, dans ce tiers supérieur du pays et depuis plusieurs années, de mener avec toujours moins de moyens ces laborieuses recherches, traverser le pays d’une maison à l’autre, rencontrer les familles qui attendent qu’on identifie leurs disparus, prélever sur les vivants quatre gouttes de sang pour le laboratoire et remplir des formulaires ante-mortem en écoutant leurs récits de guerre et de disparition. Le film de Taina Tervonen suit les enquêtes au rythme dicté par l’extrême dignité de cette tâche technique et solennelle, qui est, du laboratoire au secret des familles, une entreprise littérale et obstinée de reconstruction. Reconstruction des cadavres, reconstruction du lien qui manquait entre les vivants et leurs morts, tandis que le film, patiemment, fait émerger une image claire du temps qu’en vérité, il faut à une guerre pour finir. C’est ce temps que sillonne Darija Vujinovic, autant qu’elle sillonne la campagne bosniaque parmi les familles usées par l'attente.

(Extrait du catalogue Cinéma du réel 2020)

L'avis de la bibliothécaire

Karine Betou , Médiathèque Elsa Triolet, Villejuif
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Des hommes creusent dans la montagne. Des gens grimpent là-haut et attendent en les regardant. Finalement des cadavres sont déterrés et le silence se fait. On assiste là, à un travail impressionnant et titanesque sur la reconstitution d'une partie de l'histoire de la guerre en ex-Yougoslavie dans les années 90. Le film est construit d'une part, avec des scènes sur les manipulations scientifiques des squelettes avec leur classement, les test Adn etc... Et puis d'autre part, on assiste aux rencontres avec les familles qui livrent leurs liens et les évènements du jour J de la disparition du fils, de l'oncle ou du cousin. Ce dispositif, simple, clair et sobre donne à voir le travail de deuil important et nécessaire, pour ces familles. Un beau film sur la recherche de la vérité et sur la réparation. Il pointe également le travail formidable des scientifiques sans qui rien ne serait possible.

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