De guerre lasses
Pendant un an, Laurent Bécue-Renard a suivi la thérapie de quinze femmes bosniaques affectées par la guerre dans une ONG de Tuzla, près de Srebrenica. Comment exorciser l'horreur ?
Sedina, Jasmina, Senada, trois femmes, trois jeunes villageoises européennes. Au cours de la guerre de Bosnie (1992-1995), leur univers s'est effondré. Leur mari et plusieurs dizaines d'hommes de la famille ont disparu. Maison, terre, village, pays ont été emportés dans la tourmente. Le cours de la vie lui-même s’est comme arrêté. Quelques années après pourtant, un automne, elles emménagent avec leurs enfants dans une maison appartenant à l'association Vive Zene à Tuzla (Bosnie). Elles y entreprennent pour quatre saisons une psychothérapie et entament ainsi un processus vital pour se reconstruire, tenter de devenir sujets de leur destin, sortir de la prostration.
« Pour ce film, explique Laurent Bécue-Renard, la rencontre avec Fika [Ibrahimefendic] – la psychothérapeute qui allait s’inscrire au cœur du projet – a été déterminante. Elle est le medium, la passeuse qui permet la transmission de la parole de cet Autre. Grâce à elle, la victime peut être reconnue dans son intégrité. Le film a été conçu et construit sur ce principe. » La caméra se tient au plus près des visages de ces femmes, sans jamais être importune ou intruse. On suit leur évolution, leur renaissance par la parole. De guerre lasses tient la chronique de cette tentative de survie. Témoin d'une histoire universelle, le film se fait l'écho de bien d'autres tragédies, passées ou en cours, et renvoie chacun à ses propres interrogations sur le deuil, l'amour et la vie.