les yeux doc

Les petites mains de Noël

Joyeux Noël Yiwu 2 (c) Bocalupo films
Un Noël sans boules et guirlandes lumineuses serait-il un vrai Noël ? Mais sait-on d’où proviennent les décorations, classiques ou plus originales, qui enchantent les fêtes de fin d’année ? Le cinéaste serbe Mladen Kovačević a filmé l’un des nombreux ateliers de fabrication de la ville de Yiwu, en Chine, où des centaines de fabriques s’activent dès le mois d’octobre pour satisfaire la demande des pays développés.
L’histoire des décorations de Noël

La tradition du sapin décoré remonte au 15e siècle, il est alors orné essentiellement de pommes rouges. À partir du 17e siècle, on commence à y accrocher aussi des fleurs en papier, des rubans ou encore, des poupées de chiffon. C’est ensuite au 18e siècle que des nouveautés populaires apparaissent comme des lames de métal pour le côté brillant ainsi que des noix, des petits gâteaux, et parfois, de petits personnages. Au 19e siècle, le sapin se revêt d’anges dorés, des premières guirlandes et bougies, remplacées au 20è siècle par les guirlandes électriques.

L’histoire raconte qu’en 1858, année de grande sécheresse, les pommes furent insuffisantes pour décorer les sapins. Un souffleur de verre de Goetzenbruck en Moselle, fabriqua donc des boules et fut ainsi à l’origine de cette tradition. Les artisans de cette usine travaillaient de nombreux matériaux comme le verre soufflé, moulé, le métal, la cire et le bois. À partir de 1964, la production est automatisée.

Le marché des décorations de Noël a pris, au fil des décennies et à travers le monde, une place grandissante, jusqu’à devenir un marché au capital exponentiel avec des produits de plus en plus diversifiés et personnalisés. D’après les chiffres du Future Market Report, le marché des ventes de décorations de Noël est estimé à 6,40 milliards d’euros en 2024 et devrait atteindre 10,46 milliards d’euros d’ici 2032.

Joyeux Noël,Yiwu : la réalité derrière la magie de Noël

Dans cette ville d’un million d’habitant·es, située à 300 km de Shanghai, ouvriers et ouvrières, venu·es des localités environnantes ou de lointains villages, s’affairent dès le mois d’octobre pour fournir à temps les nombreuses décorations de Noël, aux pays occidentaux. Dans des ateliers aux conforts et machines d’un autre âge, la caméra de Mladen Kovačević filme les gestes répétitifs de peinture des boules de toutes les couleurs, de soudure d’étoiles ou de sapins en métal, de jet de paillettes dorées … un savoir-faire maîtrisé.

Au-delà des conditions de travail, déjà dénoncées dans d’autres films documentaires, avec des horaires de 9 heures par jour, 6 jours sur 7, le cinéaste s’attache à dépeindre les relations entre le « boss » et ses employé·es. La plupart rêvent de faire fortune grâce à cet emploi saisonnier et essaient de rendre moins pénible ce travail éreintant. Des familles entières peuvent se retrouver à travailler ensemble, ce qui parfois engendre des tensions. D’autres sont séparé·es de leurs parents et se sentent isolé·es. Les jeunes filles se racontent leurs vies, leurs espoirs, leurs attentes et en rigolent parfois, chantent ensemble pour se donner du cœur à l’ouvrage. Des amours se tissent ou se terminent. Contrairement aux grandes usines de production aux cadences infernales, ces ateliers sont à taille humaine et il y règne un état d’esprit plus familial.

Pourtant, ces centaines de boules peintes à la main avec précision et rapidité, ces dizaines de bonhommes de neige assemblés rapidement et machinalement, ces milliers de cartons à emballer, en partance pour des destinations lointaines, nous renvoient l’image de nos foyers douillets et illuminés grâce à ces objets éphémères et nous questionnent sans doute sur l’origine et la valeur de tous ces produits de consommation de masse qui feront rêver des millions de petits et grands.