les yeux doc

Si j'étais différent, interroger le regard sur le handicap

Inclusive (Inclusief)
S’interroger sur la norme, questionner le sens des mots, une démarche sans doute nécessaire à l’heure où l’inclusion et l’accessibilité semblent être sur toutes les lèvres et au cœur de dispositifs publics. Le terme handicap contient à lui seul de multiples nuances et se définit par la capacité d'acceptation et d'adaptation d'une société aux personnes différentes. Mais selon quels critères ?


Selon des normes variant d’un pays à l’autre, qui se déclinent diversement selon les époques, il faut sans cesse interroger les mots, faire vivre les regards et donner à voir ces corps, ces expressions, ces vies longtemps cachées dans des lieux aux fenêtres, au mieux opaques au pire cadenassées. Le cinéma documentaire vient faire émerger cette part du réel en filmant des situations, des personnes, des récits, des parcours. Et ce travail cinématographique, qui ne cherche ni à démontrer ni à justifier, contribue à irriguer l'œil et l’esprit du spectateur.

Inclusive (Inclusief), de Ellen Vermeulen

Inclusive, tourné en noir et blanc, propose des incursions dans la vie de quatre enfants ou jeunes gens en situation de handicap, scolarisés en Belgique à des degrés différents. Ce choix esthétique uniformise et rend intemporel ces portraits croisés. Alors que le mot inclusion est brandi dans bon nombre de discours, il est ici incarné sans fards. Un film sensible qui laisse place au vécu des personnes, à tout ce qui se vit d’ordinaire en dehors des regards, où les difficultés du quotidien s’expriment sans spectateurs : se laver, s’habiller... La caméra accompagne ces familles et ces jeunes faisant le lien entre l’école et la maison, deux mondes habituellement étanches.

Dans la terrible jungle, de Ombline Ley et Caroline Capelle

Un conte surgit dans ce décor bien réel d’un IME situé dans les Hauts-de-France. C’est là que les deux réalisatrices ont passé du temps et suivi des jeunes atteints de plusieurs handicaps. Le chant et la danse viennent révéler ce qui anime ces pensionnaires singuliers tandis que les questionnements de l’adolescence les habitent. Les réalisatrices insufflent peu à peu et subtilement de la poésie sans gommer le réel en s’appuyant sur les particularités de chacun des protagonistes.

Manuel de libération, de Alexander Kuznetzov

Yulia et Katia vivent enfermées dans une institution depuis qu’elles sont petites car diagnostiquées déficientes mentales. Pour retrouver leurs droits, se marier, être autonomes, vivre dans la société, elles doivent demander leur capacité civile et c’est un long combat qui s’annonce. Ce qui frappe, c’est la ténacité et l’énergie de ces deux femmes. Car le rapport de force qui s'instaure avec les autorités du pays pourrait être destructeur. Le parcours incroyable de Yulia et Katia privées de liberté fondamentale est une véritable leçon de vie.

La Moindre des choses, de Nicolas Philibert

Nicolas Philibert filme la vie à la clinique de La Borde, un établissement psychiatrique où, chaque été, soignés et soignants montent une pièce de théâtre. La préparation de cet événement est l’occasion pour les patients d’endosser un rôle, d’interagir en dehors de leur seule pathologie. Le théâtre favorise l’expression des corps, permet de donner une place à chacun, de tendre un fil entre les uns et les autres à travers les mots et le jeu. Un collectif prend naissance autour d’un projet, c’est un des aspects de ce qui se joue dans le déroulement même de ces répétitions, séances à ciel ouvert. Ainsi, au-delà de la folie et de la différence, au-delà de l’individualité, c’est bien une aventure humaine qui se tisse au gré des répétitions dans ce lieu atypique.