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Lutter

Kinshasa Makambo  © Les Films de l'oeil sauvage
La question de l’engagement dans le cinéma n’est pas neuve. Dès son essor au XXe siècle, du fait de sa capacité à captiver les masses - du temps où la télévision n’existait pas et encore moins Internet - le cinéma devient pour certains un outil de lutte et pour d’autres un outil de propagande.

Initialement considéré comme un divertissement, sa dimension artistique finit par prévaloir et lui confère le rang de 7e art. Si, pour beaucoup d’auteurs, faire du cinéma est déjà un engagement et un acte d’émancipation, il n’est pas rare, aujourd’hui, de voir des films réalisés pour soutenir des causes et chercher à faire émerger d’autres voix, pour résister et combattre l’oppression.

En 1968, le manifeste « Le cinéma au service de la révolution » est acté par les États généraux du cinéma. Des réalisateurs, distributeurs, techniciens…  se rassemblent pour dessiner les contours du cinéma de demain. Les cinétracts et les actions des groupes Medvedkine marqueront aussi de leur empreinte cinématographique les luttes ouvrières de l’époque.

Comment définir le cinéma militant ? Filmer la lutte, est-ce déjà lutter ? Nous avons sélectionné des films qui abordent ce thème, chacun de façon singulière, que ce soit dans la forme filmique, dans le point de vue du cinéaste ou dans la lutte elle-même. La force de ces films réside, bien sûr, dans les sujets filmés, mais aussi dans le regard du réalisateur et l’œil du spectateur. Car c’est bien cette alliance qui donne corps aux luttes, des luttes incarnées par des hommes et des femmes en action. Et dans ces combats où chaque geste compte, chacun lutte à son niveau : en agissant, en filmant, en diffusant, en regardant, en partageant.

Cinq Caméras brisées, de Emad Burnat et Guy Davidi

Filmer pour garder en mémoire, c'est ainsi que Emad Burnat, paysan vivant en Cisjordanie, raconte pourquoi il s'est mis à filmer. À la naissance de son 4e fils en 2005, il décide d'acheter une caméra. Mais à la place des premiers sourires, Emad se retrouve à filmer les événements violents qui surviennent  dans son village. C'est avec l'aide du documentariste israélien Guy Davidi qu'il effectue le montage de ce film.

Une jeunesse allemande, de Jean-Gabriel Périot

Jean-Gabriel Périot a mis presque dix ans à faire aboutir ce film d’archives qui relate l’histoire de la Fraction Armée Rouge (RAF), groupe d’extrême gauche auteur d’attentats dans l’Allemagne de l’Ouest des années 1970. La jeunesse est ici révoltée et agissante, le passage à l’acte mènera ces étudiants au terrorisme. Ce film pose la question de l’engagement, des limites et des moyens à utiliser. Le travail de montage de Jean-Gabriel Périot, magistral, met à la fois en avant le rôle déterminant du choix des images et de leur agencement et les processus en marche dans cette période de l’histoire, notamment les modalités de la lutte sociale et politique dans une Allemagne sortie depuis peu de la guerre.

Kinshasa Makambo, de Dieudo Hamadi

Dieudo Hamadi vit en République Démocratique du Congo quand il décide de suivre des amis militants opposés au régime de Kabila. Caméra au poing, il filme la quête de démocratie dans cette jeune génération dont il fait partie. Le destin de ces hommes est aussi le sien, lui qui voyage de festivals en festivals pour montrer ce qui agite son pays, de l’intérieur.

Reprise, de Hervé Le Roux

L’image d’une femme criant son désarroi et sa révolte devant l’usine Wonder est devenue un grand classique du cinéma documentaire. Filmée en 1968, la scène d’anthologie sert de point de départ à l’enquête menée vingt-sept ans plus tard par Hervé Le Roux. Ce film en deux parties, restauré pour le cinquantième anniversaire des événements de 1968, brosse à partir d’entretiens et d’archives un portrait du syndicalisme et du monde ouvrier.

Ernesto Che Guevara, le journal de Bolivie, de Richard Dindo

L’un des derniers arrivés sur la plateforme, ce classique du cinéma documentaire suit le chemin de croix du Che dans son ultime combat contre la dictature en Bolivie. En réalisant un aller-retour entre les mots laissés par le Commandante et la réalité des années 90, Richard Dindo semble faire le constat de la chute des idéaux révolutionnaires, taris par la misère aride des montagnes boliviennes et par un pouvoir politique désintéressé de l’avenir de son peuple.