les yeux doc

Filmer la peinture

A bigger splash ©Films du camélia
Comment mettre en scène la peinture et les artistes ? Les réalisateurs Jack Hazan, Hervé Le Roux, Amélie Harrault et Richard Dindo ont choisi des formes et des angles originaux pour s’attaquer à l’histoire de l’art : se concentrer sur une seule et unique toile, brosser l’univers intellectuel et sentimental d’un artiste en commentant un corpus de tableaux, utiliser l’animation pour convoquer la touche et l’esthétique des peintres d’avant-gardes ou enfin, associer un texte littéraire et biographique sur la vie d’un artiste à des images d’aujourd’hui.
A Bigger Splash, un documentaire fiction autour d’une toile

Jack Hazan s'est focalisé sur l’une des peintures les plus célèbres de David Hockney : Portrait of an artist (Pool with two figures) Jack Hazan a choisi la forme du documentaire-fiction, mêlant réel et mise en scène tout en filmant les proches du peintre. Jack Hazan se confie sur le tournage : " Pendant plus de trois ans, j’ai donc suivi le même processus : téléphoner à David et être autorisé à filmer ses amis ; assemblant les scènes dans la salle de montage afin de créer une histoire que seul Mingay [l'associé de Jack Hazan] et moi connaissions. La pellicule est chère. Les assistants caméramans me donnaient de petits bouts de pellicule et nous les développions en noir et blanc pour économiser de l’argent. Nous avons fini par avoir besoin de fonds pour payer les laboratoires et le mixage son. J’ai hypothéqué ma maison et mes proches m’ont prêté de l’argent. "
Le film est présenté au festival de Cannes, en 1974, et primé au Festival international du film de Locarno, en Suisse.

À quoi pense Madame Manet (sur son canapé bleu), de l’œuvre picturale à la biographie

Hervé Le Roux, salué par la critique en 1996 pour son film Reprise, réalise À quoi pense madame Manet en 2017. Dans son nouvel opus, Le Roux se penche sur Manet, républicain convaincu, qui s'engagea avec Degas en 1870 sous les ordres du colonel (et peintre) Meissonier dans la Garde nationale, aux côtés des communards. Pour Reprise, Le Roux était parti d'une photo d'une ouvrière des usines Wonder en colère. Dans À quoi pense Madame Manet, il scrute les tableaux de Manet pour parler du peintre et de sa femme, couple d'artistes et d'intellectuels emblématiques de leur temps. 

Mademoiselle Kiki et les Montparnos, un Paris pictural réanimé

Dans Mademoiselle Kiki et les Montparnos, Amélie Harrault a choisi l’animation pour évoquer Alice Ernestine Prin, dite Kiki, figure du Montparnasse de l'entre-deux-guerres. Enfant illégitime, elle fut élevée par sa grand-mère dans un grand dénuement. Elle exerça les métiers de brocheuse, fleuriste, laveuse de bouteilles chez Félix Potin, visseuse d'ailes d'avion, ou bonne à tout faire chez une boulangère, place Saint-Georges à Paris. Elle finit par se révolter, tourna le dos à sa condition d’ouvrière et devint modèle. Elle posait nue pour les artistes, ce qui déplut fortement à sa mère qui l'expulsa de chez elle. Mademoiselle Kiki et les Montparnos est un exemple d’hybridation réussie entre le documentaire et l’animation.

Une vision littéraire de la vie de Matisse

Aragon, le roman de Matisse est un dialogue entre l’art, la littérature et le cinéma. Richard Dindo filme à Nice les lieux où Matisse vécut et se lia d’amitié avec Louis Aragon et Elsa Triolet, venus en 1941 se réfugier en zone libre. La femme de Matisse, Amélie, et sa fille, Marguerite, y furent arrêtées par la Gestapo pour faits de résistance en 1944. La bande son nous fait entendre des passages, lus par le comédien Jacques Weber, du livre qu'Aragon a consacré à Matisse. Cette stylistique épurée, signature de Dindo, possède un grand pouvoir évocateur et onirique.