les yeux doc

Antonio © GREC

Antonio, lindo Antonio

Antonio, lindo Antonio tisse le portrait en creux de l’oncle de la réalisatrice, parti à Rio de Janeiro, au Brésil. Antonio a toujours répété à sa mère qu’il reviendrait… mais un demi-siècle plus tard, elle l’attend toujours. Pourquoi n’est-il jamais retourné au Portugal ?

Le temps s’est comme figé dans ce splendide hameau de montagne et le cœur de la mère d’Antonio a vacillé le jour où son aîné est parti vivre au Brésil. Il y a le vide laissé par son départ, difficile à combler, mais aussi la douleur de la séparation. Si la famille comprend le besoin d’Antonio de quitter la vie d’élevage pour s’établir loin des terres et des vaches, personne n’admet son silence, mystère qui pèse de plus en plus sur l’histoire de la lignée.

La cinéaste Ana Maria Gomes essaie de faire parler les ancien·nes de sa famille, pour la plupart des taiseux marqués par le labeur et la poussière, évitant soigneusement l’épanchement de tout sentiment. La mère, courbée et vêtue intégralement de noir, vit dans l’attente de ce retour. Elle réalise encore des économies pour transmettre ses menues possessions aux générations suivantes après avoir mené une vie d’isolement et de sacrifice pour les sien·nes. Souvent en colère, elle a peur que le chien ne se sauve à son tour. Les frères d’Antonio quant à eux n’osent rien dire face au courroux maternel et paraissent hésiter entre envie, reproches et regrets. Tous·tes essaient de relativiser : Antonio aurait-il seulement su s’y prendre avec les vaches, lui qui n’aimait que la musique et la danse ?

Ce qui réunit ces lusophones, c’est la saudade, sentiment d’incomplétude propice à la nostalgie du passé et au désir d’ailleurs. Car le silence radio d’Antonio attise tantôt la tristesse, tantôt l’imagination. Cette porte ouverte à toutes les fictions laisse la machine à rêves s’emballer. Tous·tes lui inventent une vie mouvementée l’empêchant de revenir au Portugal. Antonio a dû devenir riche, mafieux, célèbre… Ana Maria Gomes, passionnée par l’infinie potentialité des trajectoires et des identités, mène l’enquête et tente de crever l'abcès qui ronge sa famille.

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