les yeux doc

Sauvage © Paraiso Productions

Sauvage

Tout à l’ouest de l’Espagne en Galice, un voyage au pays des chevaux sauvages commence. Une tradition remontant au 15ème siècle met en scène l’affrontement spectaculaire entre l'homme et le cheval.

Certains films sont des fables. En racontant de manière très dramatisée un événement traditionnel du point de vue des animaux, Léonore Mercier invite à réfléchir sur la volonté humaine de soumettre et domestiquer les bêtes.

C’est une belle journée dans une région de montagne d’une grande beauté, la majestueuse Galice. Quelques chevaux paissent dans les pâturages au soleil. Mais il ne s’agit pas d’un jour comme les autres, c’est le Rapa das Bestas (le rasage des bêtes), une pratique consistant à couper la crinière et la queue des chevaux sauvages. Cette tradition évoque le spectacle de la corrida sans que le sang ne soit versé. Les habitant·es et touristes viennent ici tous les ans pour faire la fête, écouter la fanfare et passer du bon temps en famille ou entre amis. Les hommes y font des démonstrations de force devant le public. Et si nous nous placions pour une fois du côté des bêtes, au centre de l’attention de tous·tes ?

Ce changement de point de vue transforme la position du spectateur, projeté au cœur d’une séquence intense et violente. La réalisatrice, également plasticienne et musicienne, utilise ses créations électroacoustiques pour amplifier la dissonance et accélérer l’identification émotionnelle aux réactions des chevaux. Notre perception des scènes est déformée par un travail sur la texture visuelle et sonore. L’utilisation de ralentis et l’isolement de certains sons créent des instants suspendus qui s'opposent à des plans larges de courses et de vitesse. Les plans d’ensemble débordant jusqu’à l’abstraction de teintes brunes et noires, s’entrechoquent avec les gros plans d’animaux (tétée des poulains, regards dans le vide, ruades…). Notre vision du monde devient anarchique et catastrophique, comme si l’on assistait déboussolé à un accident depuis l’intérieur de l’habitacle d’un véhicule. La fête est un moment d’alarme, de souffrance et de séparation. C’est dire que l’échappée caballine finale soulage, même si elle laisse le spectateur seul avec ses questions face à la montagne, toujours aussi belle.

L'avis de la bibliothécaire

Marie-Hélène Tomas, Médiathèque intercommunale Gilbert Dalet, Crolles
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Il existe en Espagne une tradition galicienne de plus de 400 ans, La Rapa das Bestas, qui donne lieu à une fête qui se tient chaque année début juillet. Sous prétexte d’apport de soins aux chevaux sauvages, ces derniers sont rassemblés dans une arène où se ruent la foule, public conquit venu assister au spectacle, la coupe des crins. Dans cette espace clos, l’homme se mesure à l’animal. Eléonore Mercier documente cette tradition avec le souhait d’être au plus près des chevaux et de leurs émotions. Entrant dans l’arène, elle y capte les sons des animaux apeurés et nous propose une immersion sensorielle, vibrante, à la fois oppressante et belle. Ici se joue l’ambivalence du film qui met en parallèle le rude traitement de ce bêtes par des acteurs qui pourtant les aiment et veulent leur rendre hommage. Ses gros plans, la captation sonore, donnent le rythme, nous met dans un état à l’arrêt, hypnotisé et oppressé, entre joie et souffrance.

+ d'infos

Pour aller  plus loin, consulter le dossier éditorial Perspectives animales, Les voies de la réconciliation avec les autres animaux du magazine Balises.

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