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Mascarades ©Les Films du temps scellé

Mascarades

Dans les hauts plateaux boliviens, les habitants et habitantes du village de Tomave cultivent du quinoa et élèvent des lamas. Ils se déguisent, chantent et rient pour appeler la pluie et lancent pétards et confettis pour la Terre-Mère. Mais des ingénieurs agronomes venus de la ville rôdent autour du village, bien décidés à rationaliser les pratiques. C’est le prélude d’une étrange mascarade.

Mascarades s’approche au plus près du travail des agriculteurs boliviens, nous faisant découvrir les contradictions auxquelles ils font face dans l'exercice de leurs activités. Tandis que le gouvernement fait tout pour que leurs pratiques se modernisent, tend à développer la fertilisation des sols au nitrate et contrôler les cycles biologiques des animaux domestiqués, les cultivateurs et éleveurs du petit village de Tomave ne cillent jamais face aux sirènes du capitalisme.

Depuis plusieurs générations, ils font vivre leurs champs et leurs bêtes, dûment colorées et pomponnées, en accomplissant rituels et sacrifices immémoriaux, avec les chants et danses qui les accompagnent et n’ont pas l’intention d’y changer quoi que ce soit. Leurs terres rendent une quantité de quinoa qu’ils estiment suffisante à leur ressource et leur commerce, en dépit de l'aridité des sols et du climat extrême de l’Altiplano. Même leurs lamas persistent à préférer l’herbe aux produits transformés et s’accordent avec défi à la résistance passive de leurs maîtres.

Avec fantaisie, Claire Second dénonce judicieusement le mariage impossible entre les intentions voraces d’une économie mondialisée et la connaissance du travail et le respect de la nature. Certains paysans persistent heureusement à pratiquer une agriculture adaptée à l’échelle locale et humaine au bénéfice des leurs. Et, peut-être, de la santé des occidentaux, achetant à prix d’or des sachets de quinoa dans les magasins bio. La droiture et l’humour des paysans, mêlée à la beauté rude mais époustouflante de la Cordillère des Andes, font de Mascarades un joli pied de nez aux Monsanto, Bayer et consorts.

L'avis de la bibliothécaire

Erika Carton , Médiathèque de l'Orangerie, Vichy
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Mascarades, un film au titre doublement évocateur. Des masques pour implorer les dieux, demander la pluie. Et une autre sorte de mascarade, celle qui consiste à faire semblant pour plaire et répondre aux exigences du gouvernement. A Tomave, Bolivie, on cultive le quinoa. Depuis toujours, comme au Pérou, pays voisin. De manière biologique et manuelle. Mais aujourd’hui, le quinoa est cultivé dans beaucoup d’autres pays. La mondialisation est passée par là. Alors faut-il se soumettre et remplacer le nitrate naturel apporté par les lamas par celui qui pollue et n’est même pas efficace pour la culture ? Ou respecter l’adage, placardé sur un mur du village : « Une nation qui détruit son sol se détruit elle-même. » Ont-ils tout simplement le choix ?

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