Honeyland, la femme aux abeilles
Honeyland
Hatidze Muratova est l’une des dernières personnes à récolter le miel de manière traditionnelle dans les montagnes désertiques de la Macédoine du Nord. Sans aucune protection et avec passion, elle communie avec les abeilles.
Nommé aux Oscars et lauréat de plusieurs prix au festival américain de Sundance, Honeyland provoque l'adhésion du public en suivant le parcours d’une héroïne attachante, fortement impliquée dans une des grandes causes actuelles : la préservation de la nature. Le film a tout du conte de fées écologique, mais il ne se cantonne pas au point de vue parfois dogmatique associé à ce genre. Le projet des réalisateurs Ljubomir Stefanov et Tamara Kotevska, malgré leur intention première de démontrer l'utilité de l’application du Protocole de Nagoya pour la protection de la biodiversité, ne s’accompagne pas d’une édulcoration, ni d’une idéalisation de la réalité du territoire filmé. Certes, l'environnement est spectaculaire, mais il est aussi synonyme de désolation et de solitude. Hatidze n’est plus toute jeune. Cette Cendrillon des montagnes au visage tanné par le soleil vit isolée et dans un dénuement quasi total avec sa vieille mère, paralysée et aveugle. Le quotidien abrupt de l’apicultrice est troublé par l’arrivée d’une bruyante famille de nomades turcs. Après un temps d’observation, elle finit par s’attacher aux nouveaux-venus, notamment à l’un des enfants à qui elle transmet son savoir ancestral. Jusqu’à la grave mésentente qui éclate lorsque le voisin Hussein provoque la perte du peu que chacun possède à force de chercher à récolter trop de miel. Le documentaire adopte, à partir de cette séquence, une perspective moins distanciée et plus archétypale, Hatidze incarnant le rôle de la militante respectueuse de la diversité là où le père de famille turc représente le “capitaliste” prêt à détruire les ressources naturelles pour la survie de sa famille. "Honeyland", au format fictionnel marqué dans un contexte documentaire, suit résolument une trame romanesque et allégorique. Les scènes sont écrites, les personnages dirigés, mais dans cette lutte de toujours entre la réalité et le cinéma, la narration l’emporte et nous entraîne avec joie dans les tribulations d’Hatidze, dont l’humour est revigorant et la présence solaire. Les réalisateurs, en pétrissant les personnages pour les ériger en symboles, transforment cette histoire en un drame puissant à la portée universelle.