Braguino
Au milieu de la taïga sibérienne, à 700 km du moindre village, se sont installées deux familles, les Braguine et les Kiline. Aucune route ne mène là-bas. Seul un long voyage sur le fleuve Ienissei en bateau, puis en hélicoptère, permet de rejoindre Braguino. Elles y vivent en autarcie, selon leurs propres règles et principes.
Au milieu du village : une barrière. Les deux familles refusent de se parler. Sur une île du fleuve, une autre communauté se construit : celle des enfants. Libre, imprévisible, farouche. Entre la crainte de l’autre, des bêtes sauvages, et la joie offerte par l’immensité de la forêt, se joue ici un conte cruel dans lequel la tension et la peur dessinent la géographie d’un conflit ancestral. L'idée de départ de Clément Cogitore était de faire un film sur l'enfance et la vie recluse, loin de toute société humaine. Par une journaliste russe, il a découvert l'existence des "Vieux-Croyants", une confession orthodoxe qui remonte au 17ème siècle, une communauté qui s'est enfoncée de plus en plus loin dans les bois pour échapper à l'autorité de l'Église et de l'État. Il entend aussi parler d'un homme qui a échappé à cette communauté vers 1970 pour fonder son propre monde en Sibérie orientale, Sacha Braguine. Au cours des deux voyages qu'il fait à Braguino (six jours sans caméra puis, quatre ans plus tard, dix jours pour tourner), Cogitore doit faire face à une situation inédite pour un cinéaste: filmer un conflit de voisinage entre deux familles qui se haïssent, du point de vue d'une seule famille, celle qui l'accueille.
C'est au montage que la structure définitive du film se met en place: «La scène de l’ours, celle de l'arrivée des braconniers, et enfin la scène qui se déroule sur cette île réservée aux enfants, étaient pour moi les temps forts du récit. Ces trois moments se sont déroulés durant les trois derniers jours du tournage, ce qui est assez vertigineux. "À quoi ça tient un film ?" Pas juste un film réussi ou un film raté, mais cette hésitation entre un film et pas de film du tout. C’est assez angoissant de prendre conscience que tout cela tient à énormément de hasards, d'accidents. Avant, j’avais filmé des paroles, des gestes, mais à un moment donné, on touche à quelque chose qui dépasse le simple récit de la vie quotidienne. On rentre dans le cinéma. Dans un film documentaire, on ne peut pas fabriquer ces instants. On les attend et on les espère !»
Braguino a également fait l'objet d'une exposition, Braguino ou la communauté impossible présentée au BAL (Paris) du 15 septembre au 23 décembre 2017.