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Soy libre © Perspective films

Soy libre

“Arnaud, c’est mon petit frère. Un jour, je me suis rendu compte qu’il était déjà grand. Il est né là où on ne choisit pas, et cherche ce qu’il aurait dû être. Libre”.

Après un premier film primé au festival Cinéma du réel (Dans l’œil du chien, 2019) et consacré à sa grand-mère, Laure Portier continue de filmer ceux qu’elle aime. Son second film, Soy libre, prend la forme d’une conversation à bâtons rompus avec Arnaud, son petit frère. Le dialogue est d’emblée difficile, car ni Laure ni Arnaud ne mâchent leurs mots. Ceux-ci fusent comme autant d’idées lancées à la face du monde. Petit à petit, une négociation fragile et intermittente s’installe. Quand elle est rompue ou qu’Arnaud est trop loin, Laure lui confie une caméra et incorpore les images d’Arnaud à son film. Quand elle n’en a aucune, Laure demande parfois à Arnaud d’en dessiner.

Soy libre est un roman épistolaire d’un nouveau genre, dans lequel les images remplacent les lettres que l’on s’adressent. Chaque séquence est un basculement dans l’inconnu. Combien de temps depuis la dernière lettre vidéo ? La dernière avant l’évaporation d’Arnaud ? Sur ce matériau disparate, Soy libre échafaude cahin-caha une forme qui lui est propre, pour rendre intelligible la trajectoire vagabonde de son frère. Chien errant en quête du sens de sa vie, Arnaud cherche à grandir dans un monde qu’il juge hostile, trop étriqué pour son désir irrépressible d’émancipation, qu’il peine néanmoins à exprimer. Trouver sa place est une conquête que chacun commence à entreprendre à l’adolescence. Dans le cas d’Arnaud, son initiation au vaste monde est à la fois sauvage et chaotique. Arnaud est une figure romanesque dans sa quête absolue de liberté. Son opposition à sa sœur comme sa fuite au bout du monde sont autant d’arrachements à son passé, pour mieux renaître à nouveau. Enfin libre ?

L'avis de la bibliothécaire

Delphine Ledru, Bibliothèque Mériadeck, Bordeaux
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Après avoir consacré un premier court-métrage à sa grand-mère, Laure Portier dresse dans Soy Libre le portrait de son frère Arnaud. Quinze années ont été nécessaires pour réaliser ce projet. Grâce à ce temps qui lui a été offert et à la persévérance de sa sœur, Arnaud accepte peu à peu de se livrer sur sa vie. Lui qui a grandi dans une cité passant d'une mère instable à des familles d'accueil et qui a connu la prison dès ses seize ans, ne cherche désormais plus qu'une chose : être libre. Dans Soy Libre, rien n'est caché aux spectateurs : on assiste aux tensions entre la réalisatrice et son frère qui se lasse parfois d'être questionné ou qui avait pensé que la scène serait différente, on entend aussi Arnaud imaginer la réaction de certains spectateurs lorsqu'ils découvriront le film. Laure Portier n'a pas hésité non plus à confier une caméra à son frère pour ainsi pouvoir le suivre dans ses voyages en Espagne ou au Pérou, le laissant lui-même mettre en scène ce qu'il souhaitait montrer. La réalisatrice a donc véritablement co-construit son film avec celui qu'elle souhaitait filmer et c'est ce qui fait de Soy Libre, ajouté à la grande sincérité qui s'en dégage, un film véritablement réussi.

+ d'infos

Lire un entretien avec Laure Portier dans le dossier de presse

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