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Cassandro The Exotico!

Cassandro The Exotico!

Après 26 ans de vols planés et d'empoignades sur le ring, Cassandro, le roi des Exoticos – ces catcheurs gays qui dynamitent les préjugés – est incapable de s'arrêter. Le corps en miettes, pulvérisé, il va pourtant devoir se réinventer…

Enveloppé dans sa toge, Cassandro pose sur l'affiche du film qui le représente en vainqueur, à mi-chemin entre l'empereur romain Titus et l'un des Chevaliers du zodiaque. D'un côté le magnanime, de l'autre l'impitoyable, c'est l'apanage des grands champions, au catch comme dans d'autres sports. Au Mexique, à Juarez près de la frontière américaine, le catch s'appelle Lucha libre, une variante qui a elle-même donné naissance à une variété très particulière de lutteurs, les Exoticos, qui revendiquent leur homosexualité et utilisent le travestissement féminin (maquillage, faux cils, cheveux permanentés, justaucorps bariolé et très échancré) en guise de costume de scène. Lorsque Marie Losier rencontre Cassandro, il est en fin de carrière, le corps disloqué par trop d'années de vols planés, de torsions des membres, de chutes sournoises et de performances déchaînées, le mental marqué par les violences subies dans l'enfance et la compagnie délétère de l'alcool et des drogues. Il reste toutefois un magnifique athlète, promenant avec élégance une anatomie robuste, aux muscles saillants et à la peau élastique. Ce corps magnétique attire la caméra, avide de percer le mystère de l'homme.

C'est une grâce que l'on doit rendre à Marie Losier, de toujours placer l'humain au centre de ses films, d'épouser le parcours de ses personnages et d'assumer leurs décrochages, voire leurs sorties de route, sans se décourager. La complicité est ici poussée à son maximum, la caméra n'étant plus cet objet froid, noir et métallique, mais un oeil vivant qui se pose sur une étoile adulée par tout un peuple et découvre dans cet être inaccessible un homme fragile et émouvant. «Je pense que c'est mon amitié avec Cassandro qui a fait ce film, parce que je ne sais pas être autrement avec une caméra et avec quelqu'un. Cassandro est un personnage exubérant, très proche d'un personnage fellinien. J'avais des images de ce qu'un luchador pouvait être à travers le cinéma des années 1950. Je me suis finalement peu documenté sur l'état de la lucha libre à l'heure actuelle: ce manque de connaissance m'empêche aussi d'avoir des à priori et me donne une liberté totale à partir du moment où la confiance est établie. Dès lors, je peux me permettre de pousser la personne filmée, tout autant qu'elle peut me pousser, dans des extrêmes».
(extrait de l'entretien entre Marie Losier et Cédric Lépine, réalisé au Festival international de La Rochelle en juillet 2018)

L'avis du bibliothécaire

Jacques Puy, Bibliothèque publique d'information, Paris
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Marie Losier rend hommage au catch mexicain et à Cassandro, à ce monde théâtral, libre et kitsch avec une oeuvre à l’esthétique «années 70» : film en 16mm tourné à l’épaule, pellicule parfois solarisée ou surexposée, faux raccords, plans «déjà vus» d’autoroutes ou de motels. Dans la bande-son on retrouve certaines références de la cinéaste comme la chanson Juke box babe d’un autre grand excentrique, le rocker «underground» Alan Vega qu’elle avait filmé en 2013, juste avant sa mort. Elle poursuit la description d’un monde d’originaux, de marginaux lumineux, commencée à New York. Cassandro, par bien des aspects, est une quintessence de l’univers de Marie Losier. Habituée des survivants, des fracassés de la vie, drôles, colorés et insolents, elle s’éloigne des conventions chronologiques et biographiques du portrait pour s’attacher à un moment précis. Elle privilégie les mises en scènes oniriques qui permettent de parler d’un contexte social et politique en transfigurant le réel. En réalisant ce film, Marie Losier s’est aventurée avec talent hors du milieu artistique, dans le monde inconnu de types baraqués, de combinaisons en lycra lurex, et d’un certain Cassandro, resplendissant d’humour et de générosité

+ d'infos

Pour aller plus loin, regarder la vidéo de l'entretien avec Marie Losier par Balises, le magazine de la Bpi.

Et retrouvez l'univers coloré de Marie Losier et Cassandro dans le dossier du presse du film (contient un entretien avec la réalisatrice).

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