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Rêver sous le capitalisme

Rêver sous le capitalisme

Douze personnes racontent puis interprètent le souvenir d’un rêve de travail. Ces âmes que l’on malmène décrivent, de façon poétique et politique, leur souffrance subjective au travail. Petit à petit, les rêveurs et leurs rêves font le portrait d’un monde dominé par le capitalisme néolibéral.

On sait ce que le travail fait au corps, mais qu'imprime-t-il, de manière moins visible, sur l'inconscient ? Les nuits de douze rêveurs, racontées tantôt face à la caméra, tantôt en off sur des plans d'immeubles de bureaux ou de chantiers urbains, trahissent l'invasion de la psyché contemporaine par le système capitaliste. Les plans d'ensemble sur les édifices aux matières lisses et aux arêtes pures instillent une douceur trompeuse. Zombies, cadavres, momies, fantômes, individus dont le crâne est ouvert comme un oeuf et vidé à coups de cuiller... Les images se suivent et ne se ressemblent pas, mais le montage organise une gradation vers le vampirisme et un passage insidieux de la nuit au jour, du rêve à la vraie vie au travail. Inspirée par le livre de Charlotte Beradt "Rêver sous le IIIe Reich", Sophie Bruneau parvient à faire pénétrer le spectateur à l'intérieur des rêves racontés et interprétés, de leur monde absurde mais familier.

[extrait du catalogue du festival Cinéma du réel 2018]

L'avis de la bibliothécaire

Alice Guibbaud, Catalogue Image de la culture
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Rêver sous le capitalisme choisit l’angle de l’imaginaire et de l’inconscient pour parler de la brutalité du monde du travail. A l’écran, on nous présente des travailleurs intérieurement bouleversés, dont les rêves – ou plutôt les cauchemars – viennent confirmer le puissant impact psychologique du travail quotidien, à l’heure de la standardisation. Les interviews sont entrecoupées de plans fixes ou de travellings sur les lieux symboliques de l’automatisation en entreprise : des couloirs chaque jour nettoyés, presque en secret, lorsque les bâtiments sont encore vides ; des portillons à tourniquet dont le mouvement répétitif s’intensifie à l’heure du départ ; une cantine, exempte de tout ornement, uniquement animée par un brouhaha incessant pendant le déjeuner. En opposition à la violence symbolique des propos et des images, la douceur de la réalisation et le travail sur le son sont particulièrement intéressants. Surtout, le film nous rappelle que derrière les baies vitrées de ces grandes entreprises, il y a encore le bruit du vent dans les arbres et des humains pour rêver.

+ d'infos

Quelques pistes sur le site de la société de production et de distribution Alter Ego.

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