Manuel de libération
Korotkaia instruktsia po osvobogdeniu
En Sibérie, Yulia et Katia ont été transférées de l’orphelinat à l’internat neuropsychiatrique et ont été privées de tous leurs droits de citoyennes : pas de liberté, pas de travail, pas de famille. Ensemble, elles entament un combat pour que l’État leur restitue leurs droits et rende possible leur émancipation.
Après Territoire de l'amour (2010) et Territoire de la liberté (2014), le film qui l'a fait connaître en France, Alexander Kuznetsov revient arpenter les lieux de son premier film, à Tinskaya, une "station" de Sibérie orientale située à 400 kms de sa ville natale de Krasnoïarsk. Au pays du goulag fleurissent les instituts médico-pédagogiques, des internats où sont hébergés de jeunes adultes tout juste sortis de l'orphelinat. Selon le Code civil russe, ceux qui ont été diagnostiqués déficients mentaux, sont placés sous la tutelle de l'État et déchus de leurs droits de citoyens. La route est longue et accidentée pour sortir de cette quasi prison. C'est ce qu'expérimentent Yulia Daniluchkina et Ekaterina Kasimova (Katia), deux jeunes filles aux tempéraments très différents, l'une calme et lunaire, l'autre rebelle et survoltée.
Contrairement à ce que l'on imagine de l'extérieur, la vie à l'Institut n'est pas un calvaire. Les pensionnaires sont solidaires, tandis que le personnel et le directeur s'activentt pour que les jeunes filles reprennent confiance en elles et retrouvent liberté et dignité. Le véritable ennemi, c'est l'autorité, qu'elle soit médicale ou judiciaire, qui sous couvert de protéger les individus, fait peser un joug digne de l'absolutisme sur ces pauvres vies. À cet égard, la scène de l'audience au tribunal, où Yulia se verra refuser une première fois sa libération, est une des plus glaçantes que le cinéma documentaire nous ait donné à voir au 21e siècle.