les yeux doc

On ne tue jamais par amour © Spira.jpg

On ne tue jamais par amour

C’est au cœur de la nuit qu’elles se réunissent. Des femmes, des sœurs, des ami.e.s : un groupe féministe qui se retrouve pour écrire sur les murs de Montréal. Leur défi : éveiller les consciences pour mettre un terme aux violences systémiques que subissent les femmes et les minorités de genre.

Alors étudiante à l’École des métiers du cinéma et de la vidéo de Rivière-du-Loup, Manon Testud a suivi le collectif Collages féminicides Montréal lors de leurs actions de collages nocturnes dans la principale ville du Québec. Fontaines, bancs publics et façades, chaque pan de rue s’habille de phrases sur les rapports de domination hommes-femmes. Ces actions interlopes et féministes paraissent de prime abord suspectes pour le chaland. Il est rare de voir la rue peuplée par des groupes de femmes alors que les groupes d’hommes occupent plus facilement l’espace public et sont assimilés par les premières à une source potentielle de danger. Cette inquiétude fait partie de ce que les militantes dénoncent : la société est pensée par les hommes pour les hommes ; elle permet l’apparition d’un continuum de violences à l’égard du genre féminin. De l’agissement sexiste au harcèlement de rue caractérisé, de l’agression physique et sexuelle au féminicide, chaque mot, geste, attaque ou coup portés à l’encontre des femmes et des personnes non genrées ou transsexuelles, jaillit sur l’ensemble d’entre elles. C’est donc par élan solidaire, par conviction politique et par volonté de saper les inégalités que ces jeunes femmes ont décidé de passer à l’action dans l’espace public qu’elles se réapproprient avec des mots. Une pour toutes et toutes pour une. Ces messages deviennent visibles au grand jour et leur sens est partagé par certain.e.s.

Dans cette mouvance clandestine revendicatrice, qui rappelle les codes du street art et s’empare de l’un de ses médiums, le commun a de l’importance. Il y a des rôles à jouer et un esprit collectif à trouver, comme dans une équipe de sport. Certaines collent, d’autres surveillent. Le film suit de près, en caméra embarquée, ces actions, ces visages sur une musique électronique signée Bastien Banville. On ne tue jamais par amour rappelle des films comme Gimme The Loot (2013) d’Adam Leon, Vandal (2013) d’Hélier Cisterne ou Los Hongos (2014) d’Oscar Ruiz Navia, où le graffiti permet de s’affranchir des carcans, interroge le réel et ouvre de nouveaux horizons.

L'avis de la bibliothécaire

Marie-Hélène Tomas, Médiathèque intercommunale Gilbert Dalet, Crolles
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Comme le sont les courts slogans collés par le Collectif Collages féminicides Montréal, Manon Testud nous offre un film au dispositif sobre et percutant, un film militant, au sujet malheureusement toujours d’actualité. « Sans oui c’est un viol », « Pour une culture du consentement », « On ne tue jamais par amour », autant de messages courts et puissants pour sensibiliser aux féminicides. Les mots pour dénoncer.

Les mots pour rendre visible l’invisible. Dénoncer la violence contre un genre, le genre féminin, c’est la lutte de ce collectif. Ici la volonté n’est pas de donner un visage aux personnes qui collent et militent, mais plutôt de donner à voir cette violence, avec ces mots, ces messages collés la nuit, comme un acte interdit, ces messages éphémères, si durs, si vrais. Si on aimerait que ce sujet soit plus longuement développé, il est clair que « On ne tue jamais par amour» n’en est pas moins un court métrage important.

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