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Maalbeek © Films du grand huit

Maalbeek

Rescapée mais amnésique de l'attentat de Bruxelles à la station de métro Maalbeek, Sabine cherche l'image manquante d'un événement surmédiatisé, dont elle n'a plus aucun souvenir.

L’attentat du 22 mars 2016 de Bruxelles s’inscrit dans la douloureuse chronologie des attentats commis par les Islamistes radicaux en Europe.

En France, le pays est sous le choc après les tueries de Toulouse et de Montauban, perpétrées par Mohammed Merah du 11 au 21 mars 2012. Vient ensuite, l’assaut meurtrier des frères Kouachi au siège de la rédaction de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, qui provoque un sursaut national sans précédent. Puis, les attaques-suicides revendiquées par l’État islamique le 13 novembre 2015 à Paris. 130 victimes, l’attentat le plus meurtrier en Europe, après celui de Madrid en 2004.

La Belgique est elle aussi particulièrement touchée. Le premier attentat de l’État Islamique en Occident est celui du 24 mai 2014 au Musée juif de Bruxelles. Presque deux ans plus tard, le 22 mars 2016, une série d’attentats-suicides vise l’aéroport de Bruxelles et frappe une rame de métro à la station Maalbeek, faisant 35 morts.

Diplômé de la prestigieuse École supérieure des arts du spectacle (INSAS) à Bruxelles, Ismaël Joffroy Chandoutis creuse le sillon du témoignage et de l'invisible sensation. Depuis son tout premier film consacré aux malades des radiations électromagnétiques (Ondes noires), le cinéaste donne corps à des sensations, à des corps en souffrance.

Ses images questionnent notre perception d’un réel largement invisible, dont la substance générative se développe sous nos yeux, au rythme de la parole. Si l’indicible de la violence, ne parvient pas toujours à trouver les mots pour s’exprimer, les images cherchent à donner forme au verbe, pour nous partager bien plus que des mots, une expérience du réel.

L'avis du bibliothécaire

Christophe Thomas, École nationale supérieure des arts décoratifs, Paris
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

La vie de Sabine a basculé à Maalbeek, la station de métro bruxelloise, lors de l’attentat de 2016. Elle est la seule passagère survivante de la rame, et elle tente de se raconter l’avant, le pendant et l’après. Elle ne se souvient pas, et pour survivre, elle cherche à remettre des images et des sons là où il n’y en a pas. Commence alors une quête obsessionnelle des images manquantes, qui va l’engager dans un visionnage du trop-plein des images de l’événement, sur les réseaux sociaux, des témoignages, et d’images l’identifiant, issues de caméras de surveillance de la rame. Des souvenirs nécessaires se (re)construisent. Maalbeek réussit l’exploit d’immerger dans une quête douloureuse pour saisir ce qu’a pu être cette déflagration, par l’usage virtuose de toutes les technologies d’images : lents zoom arrière sur des images hybrides pixellisées mettant en abyme la virtualité du réel, jusqu’à l’apparition de Sabine, la rendant quasi incertaine.  La matière sonore mêle cris, sirènes, commentaires, piano apaisé, et silences à la limite de la perception. La déstructuration des images, des sons et du récit nous font progresser dans la quête de Sabine. Maalbeek s’avère être un film autant sur le traumatisme d’une catastrophe que sur l’évanescence de la réminiscence.

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