Histoire d'un regard
C’est l’histoire d’une cinéaste fascinée par un photographe. Gilles Caron, étoile filante du photojournalisme, disparaît à 30 ans dans des conditions tragiques. Mariana Otéro scrute à travers les innombrables images que Gilles Caron nous a léguées, la vie intime du photographe, l’Histoire et les histoires derrière les images.
Nous connaissons tous certains clichés de Gilles Caron (1939-1970) pris dans les rues de Paris durant le drôle de mois de mai 1968. Nous connaissons moins ses incessants voyages pour rendre compte des guerres civiles qui ont secoué le siècle. Au Biafra, en Irlande, au Vietnam, le photographe n’a cessé de rapporter des images pour agir. “Ne rien faire, c’est désolant. Jouer un rôle, c’est prendre son siècle en main, en être imprégné tout entier”, écrit-il en 1960. Pour l'agence Gamma, Gilles Caron couvre les révoltes à Paris, Mexico, Prague, la rébellion au Tchad avec Raymond Depardon, ou la Guerre des Six jours à Jérusalem.
Nous connaissons mal sa personnalité à commencer par le mystère de sa disparition au Cambodge le 5 mai 1970. Mariana Otero enquête patiemment à partir du traumatisme de l’absence auprès de sa fille. Ensuite, elle dresse une cartographie de sa vie en plaçant côte à côte les planches-contacts, pour mieux les regarder, les comparer, les montrer à d’autres. Cette méthode lui permet de les raconter et de les questionner. Mariana Otero s'adresse à elles comme si elle s'adressait à Gilles Caron. Elle convoque les trésors des archives de la Fondation Gilles Caron. Nous les découvrons ainsi par le prisme de son regard. Son enquête la mène aussi sur le terrain. À Londonderry, les images prises pendant les “troubles” suscitent reconnaissance et émotion. Le pouvoir des images de Gilles Caron est intact. Ses portraits déchirants saisissent sur le vif une Humanité multiple et composite, qui nous regarde encore droit dans les yeux.