Le Tampon
Retirer un tampon est un acte intime. Je les ai toujours enlevés moi-même. À l'exception d'une seule fois.
Dans ce film de fin d’études au Master DEMC (Documentaire écritures du monde contemporain) de l’Université Paris Cité, la jeune réalisatrice de 23 ans raconte la lente déconstruction d’un souvenir dans un aller-retour entre son adolescence et le présent. Au sein de décors naturels filmés avec sensorialité ou d’espaces impersonnels et froids, comme un studio ou un tableau blanc, Camille Kunegel utilise différents dispositifs pour reconditionner le récit d’une première aventure sexuelle ayant eu lieu un soir d’été. À force de répéter son histoire à d’autres femmes, Kunegel parvient à la vérité crue d’une expérience qui aurait dû être agréable. Elle décortique ainsi les multiples acceptions des mots “naïveté”, “surprise” et “consentement” et parvient à déplacer les sentiments de honte et de culpabilité afin de se positionner en tant que sujet.
“Pourquoi est-ce que j’ai mis autant de temps à me rendre compte que ma première fois était un viol et pourquoi on ne m’a rien dit alors que j’en ai souvent parlé autour de moi sur le ton de l’humour ? C’est la raison pour laquelle j’ai voulu me confronter à mes proches au travers de plans face caméra, à la manière d’interrogatoires. J’ai cherché au travers de ce dispositif à comprendre pourquoi parler de viol est tabou et souligner l’importance qu’a eue pour moi l’avis de mon entourage dans l’approche de ma propre expérience. L’espace de la plage et du tampon nourrissent en parallèle ces échanges avec mes amies et ma mère pour au final aller vers le même but : rendre compte de ma lente prise de conscience au fur et à mesure du récit. Les images subliminales de la plage où se sont déroulés les faits ne sont pas une reconstitution exacte du lieu mais davantage une sensation des souvenirs que j’en garde. Quant aux séquences du tampon, elles sont froides et mettent les émotions à distance de manière à faire ressortir la violence de mon histoire. Elles détournent également la fonction pédagogique de l’image voulue par l’esthétique choisie, et ainsi surprendre le spectateur, comme j’ai moi même été surprise cette nuit-là.” [Propos de la réalisatrice]