Après Marceline
Lorsque nous nous rencontrons, Marceline a 89 ans, j’en ai 24. Auprès d’elle, j’apprends comment une femme, qui dit tout connaître de la mort, va terminer sa propre vie.
En 2020, Antoine Ravon est en formation au sein du Master DEMC (Documentaire écritures du monde contemporain). Sa décision de faire du cinéma lui vient d’une rencontre récente avec Marceline Loridan-Ivens (1928-2018), actrice, écrivaine, cinéaste et épouse de Joris Ivens (1898-1989). Ravon fut son assistant de l’été 2017 jusqu’à sa mort, en septembre 2018. Il l’a accompagnée à l'hôpital et a profité de sa présence bienveillante jusqu'à ses derniers instants. Il lui dédie ce film, comme un hommage : “Du point de vue personnel, c’est une rencontre qui a changé ma vie. J’ai décidé d’en faire un film le jour où j’ai compris que je le devais à Marceline et que sa fin de vie et sa mort, en quelque sorte, était son ultime témoignage. Elle est partie le soir de Kippour, la fête du Grand pardon… À travers ce récit, je recherche comment nous approprier son héritage.”
Le film convoque le souvenir de cette intellectuelle française de gauche et figure du cinéma français qui fut déportée à 16 ans à Auschwitz. Cette petite femme aux cheveux roux d’environ 1 m 50 était une militante et une créatrice pétillante, débordant de vie, comme si sa survie lui avait donné une rage particulière d’exister. Comment raconter la fin de vie d’un être disparu en absence d’images ? En suivant les notes personnelles marquées dans son journal pendant les mois où il l'accompagne, Antoine Ravon nous transmet toute son admiration pour Marceline. Il convoque sa présence lumineuse en recomposant l’intérieur de l’appartement parisien de la cinéaste à l’aide d’une maquette et de photographies et l’assortissant à un montage d'images de la capitale aujourd’hui et des années 50 issues du film La Seine a rencontré Paris de Joris Ivens : “ Je n’avais presque aucune photo personnelle d’elle, et pourtant le sentiment que je devais garder trace de cette rencontre. Je voulais filmer son appartement qui abritait mes souvenirs avec elle, mais cela s’est révélé impossible. Alors j’ai pris au pied de la lettre ce qu’elle dit du documentaire : j’ai fait ce film, littéralement, « avec des bouts de ficelle ».”