les yeux doc

Notturno © Météore Films

Notturno

Aux confins de territoires disloqués par les guerres civiles, les Kurdes vivent désormais dans une paix précaire. Aux frontières de l’Irak et de la Syrie, le Kurdistan est plongé dans une nuit attentive, qui résonne encore du fracas des armes et du nom des martyrs. Pourtant, la vie est encore la plus forte. Les enfants retournent à l'école, les hommes pêchent, les peshmergas veillent, les amoureux bavardent tard dans la nuit.

Dans la peinture occidentale, les premières tentatives d'une expression réaliste de la nuit remontent au 15ème siècle. La représentation de scènes d’intérieur ou de paysages nocturnes se caractérise par l’usage du clair-obscur, ce riche état intermédiaire entre ombre et lumière. Notturno s’inscrit dans cette tradition picturale pour travailler la complexité du monde en créant une intimité, un espace resserré par la lumière, pour ceux qui sont filmés comme pour ceux qui les regardent. Notturno déjoue également toute attente en matière de spectacle. Pour le cinéaste de Lampedusa, la guerre n’est décidément pas un divertissement. Au contraire, elle est une paix dans l'intervalle entre deux guerres. Gianfranco Rosi met en scène la fragile mélancolie d’une vie suspendue, encore irrésolue comme l’est encore et toujours l’existence politique du Kurdistan. Les cicatrices de la guerre sont autant de sillons qui creusent de vastes paysages aux contours incertains, plongés dans une pénombre lourde de secrets. Isolées, esseulées, les rares silhouettes qui s’inscrivent dans l’immensité aqueuse des vallées boueuses, des petites villes désertées sous la pluie, des champs noyés dans le brouillard, sont comme les ombres d’un présent obstiné. Car les tranchées, les casemates, les prisons, les maisons en ruine, sont autant de monuments à la violence sourde de la guerre encore toute proche, tapie dans le hors-champ.

Les ravages des hommes de Daech affleurent aussi à la surface de la mémoire encore vive, des horreurs vécues par les victimes. Que ce soit à l’hôpital psychiatrique ou à l’école, les adultes comme les enfants travaillent patiemment leur résilience par le jeu ou le dessin. Ailleurs, des mères inconsolables pleurent leurs fils. Cette mosaïque de situations, filmées avec une rare maîtrise, compose le portrait d’un peuple en proie au doute existentiel. “Si ton Dieu nous avait vraiment aimé, il ne nous aurait pas infliger tout ça”. Cette part d’ombre, Gianfranco Rosi cherche à l’incarner pour mieux révéler la dignité de tout un peuple. Ainsi, le visage bouleversant du jeune Ali, cristallise la vision du cinéaste d’un peuple, au regard fort et droit : “Il y aura bien aussi un Dieu pour toi, ma patrie !”

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