La Cité de l'ordre
Sur le site de l'École nationale de police de Oissel (76), les élèves gardiens de la paix s’entraînent dans une ville recréée de toutes pièces. À travers des mises en scène de situations de la vie ordinaire, la police y révèle sa vision de l’ordre social.
Un centre-ville, la nuit. Des cris dans un appartement. Des policiers font irruption dans les lieux. Un homme est maîtrisé, menotté, interpellé. On se croirait dans un film d’action, mais… il y a quelque chose qui ne colle pas, qui semble factice, comme artificiel. C’est normal, nous nous trouvons dans une simulation. La Cité de l’ordre n’est pourtant pas une fiction inspirée de l’univers de Philip K. Dick ni un polar, mais un documentaire sur la formation des policiers. L’école a pour décors des trompe-l'œil : café, banque, mairie. Dans la logique de Jean Baudrillard, pour lequel tout simulacre finit par remplacer notre perception de la réalité, Antoine Dubos met en scène de façon amusante des mises en situation plus ou moins bien interprétées qui révèlent petit à petit les stéréotypes sociaux véhiculés par les formateurs et par l’Institution.
Dans cette école, les élèves apprennent d'abord à être des agents de police mais ils s'exercent à la fin à maîtriser les outils du maintien de l’ordre : Flash-Ball, grenades de désencerclement, etc. Les scènes du film sont tournées un peu avant la crise des Gilets jaunes, laquelle a donné corps à ces entrainements factices. Les logiques de l’organisation policière française apparaissent ici de manière assez transparentes, notamment la militarisation de la police, qui correspond à la volonté politique de neutraliser toute forme de contestation. Il s'opère alors un glissement des rôles : les citoyens entrés dans la police feront partie du groupe qui encadrera bientôt les manifestations. Le “Nous” se mue en “Eux”, dont il faudra se méfier pour assurer sa survie et celle de son camp. Durant le faux baptême du feu qui clôt le film, les gardiens de la paix se métamorphosent en forces de l’ordre.