les yeux doc

Random Patrol © L'Endroit

Random Patrol

Faire régner l’ordre, c’est la mission de Matt, policier dans une banlieue d’Oklahoma City aux États-Unis. Tous les matins, il prend sa voiture pour patrouiller dans la ville. Tous les matins, il appréhende les interpellations à venir et se questionne sur ce que ce métier a fait de lui.

Derrière Matt qui conduit, la banlieue grise et verte d’Oklahoma City défile, égale, à travers la vitre. Toutes les maisons se ressemblent, ou bien c’est de les voir dans le regard de Matt, qui est policier et en déduit que derrière chaque porte, au coin de chaque rue, sa mort, sûrement, l’attend. Il y pense déjà quand le film le montre, à l’aube et dans les chants d’oiseaux, rejoindre le volant de son SUV recouvert de buée pour entamer sa journée de patrouille.

En restant installé une demi-heure durant sur le siège passager, Random Patrol fait le portrait d’une institution, d’une classe et d’un homme. Aucun des trois, semble-t-il, ne se porte très bien. Matt est un policier ordinaire, un manœuvre du "law enforcement". La patrouille est son sort ; il y trouve le temps de ramener sa fille de l’école, mais ne s’imagine pas manquer une journée de travail. Ce serait faillir à sa mission, qui est donc d’attendre la mort, puisqu’on ne peut incarner l’ordre sans croire très fort au mal, et même y aspirer franchement. Voilà pour le portrait de l'institution et de l’Amérique anonyme. Le portrait de l’homme montre la même chose : muré derrière les lunettes fumées de l’officier de police, derrière son badge et son revolver, enterré avec lui dans la vigie mélancolique qui trace les contours de sa vie morne. Divorcé, triste.

Le mot "patrouille", nous apprend le dictionnaire, est cousin du mot "patauger". Aux derniers plans du film, les roues du SUV sont à demi noyées, parce que la Canadian River a débordé de son lit.

(Extrait du catalogue Cinéma du réel 2021)

L'avis du bibliothécaire

Stéphane Miette, Médiathèque départementale de Seine et Marne, Le Mée-sur-Seine
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Yohan Guignard embarque sa caméra à bord du SUV d’un policier patrouilleur d’Oklahoma city. Le film commence sur la phrase « Is today will be the day ? » (« Est-ce aujourd’hui que je vais me faire tuer ? ») : le ton du film est donné. Derrière le cliché de la grosse voiture, de l’uniforme, des lunettes noires, il y a un homme avec ses failles, ses contradictions, ses peurs. Solitaire et isolé dans sa voiture, il s’interroge sur ce que son métier a fait de lui, un homme paranoïaque au milieu d’une population en colère contre la police et l’homme blanc. Les 30 minutes que durent le film sont un montage des images tournées depuis l’intérieur de la voiture, cadre serré qui renforce le sentiment de huis-clos et entraîne nécessairement une proximité avec le personnage du film. Le réalisateur aime à explorer ce qu’il appelle les « virilités défaillantes » et ce qu’elles disent de la société, chantier déjà entamé quand il a filmé des rugbymen amateurs.

+ d'infos

La discussion avec le réalisateur Yohan Guignard à la fin de la projection en ligne du film pendant Cinéma du réel #21

Consulter le document

À découvrir également