La Vie est immense et pleine de dangers
Au cinquième étage de l’Institut Curie à Paris, Denis Gheerbrant filme la vie d’un petit service spécialisé dans le traitement du cancer chez les enfants et les adolescents. Le cinéaste croise Khalil, Dolorès, Steve et surtout Cédric, qu’il suit tout le long de son séjour. Dans l’intimité de leurs petites chambres, chacun livre son expérience de malade, celle d’une vie fragile mais néanmoins pleine d’espoirs.
Observer et écouter des malades menacés par le cancer n’est pas une expérience facile à entreprendre, pour le cinéaste comme pour le spectateur. “Apprivoiser le scandale de la maladie et de la mort possible d'un enfant”, est un préalable indispensable que le cinéaste, selon ses mots, a dû surmonter pour nous permettre à notre tour d’en faire l’expérience à travers son film. L’histoire de Cédric est ainsi l’histoire du regard porté sur lui par le cinéaste, un cheminement que nous partageons à travers les “cures” successives qu’il subit par la chimiothérapie.
Ce qui frappe immédiatement, ce sont les signes patents de la maladie à l'œuvre, les cheveux qui se raréfient, les cathéters et les moniteurs de contrôle ; ensuite et surtout l’extraordinaire confiance et maturité dont fait preuve Cédric. Confiance dans le cinéaste et sa bienveillance ; extraordinaire maturité ensuite d’une parole qui va à l’essentiel d’une expérience profondément résiliente. Beaucoup d’enfants, et pas seulement, seraient incapables d’exprimer aussi clairement leurs doutes et leurs peurs, hésiteraient à montrer la douleur qu'ils éprouvent, n’oseraient pas partager l’angoisse d’être séparés de leurs parents. Neuf mois d’hospitalisation à l’issue incertaine est une épreuve à laquelle Cédric à huit ans n'était pas préparé. Mais jamais le jeune garçon ne se résigne, ni ne se laisse aller à la colère, ou si peu contre l’injustice de la maladie. Pourquoi moi ? Demande-t-il seulement au bout de quelques mois. Nous assistons avec appréhension à l’expérience rare d’un garçon qui grandit trop vite dans la douleur, mais sans s’abîmer. Car Denis Gheerbrant ne fait pas mystère de la mort omniprésente derrière les protocoles de soin et les chambres stériles. Sa voix la maintient simplement à distance, hors-champ, avec la douceur et la pudeur qui le caractérise, dans l’immense respect de la parole et de l’intimité des enfants.