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C'est presque au bout du monde ©OdP - Les fils de

C'est presque au bout du monde

Pour la 3e Scène de l’Opéra national de Paris, Mathieu Amalric filme la soprano Barbara Hannigan au cours de ses exercices de respiration et de recherche du son idéal. Une performance rare et intime au plus près du mystère de la voix humaine.

Dans le monde du cinéaste Mathieu Amalric brillent deux Barbara. La chanteuse brune aux cheveux courts qu'a interprétée Jeanne Balibar dans le film Barbara en 2017 et la chanteuse lyrique Barbara Hannigan à la longue chevelure blonde. Cette soprano et cheffe d'orchestre canadienne à la voix bouleversante a collaboré avec les musiciens Simon Rattle, Pierre Boulez, Pascal Dusapin ou encore John Zorn, dont Mathieu Amalric a filmé le travail récent dans ses films Zorn I à Zorn III, ce dernier avec la chanteuse. Le réalisateur documente dans C'est presque au bout du monde l'entraînement vocal de Barbara Hannigan lors de l’été 2015. Un moment d'extrême intensité, où la soprano éprouve toute la gamme des sensations, de la souffrance pure à la jouissance incandescente. À travers la sensualité des répétitions de la chanson Youkali de Kurt Weill, sur des paroles de Roger Fernay (qui donnent leur titre au court métrage), il nous transmet son émotion face à la la beauté de l'œuvre et de son interprète.

«Comme beaucoup de gens de ma génération, je n’ai presque pas osé approcher le ballet et l’opéra, arts trop nobles, croyais-je, à priori. Si ce n’est à travers les vinyles soviétiques “Melodia” de mes parents ou les souvenirs soporifiques de “Lac Noisette” ou autre “Casse des Cygnes”, forcé, enfant, d’accompagner ma mère au Bolchoï, dans mes jeunes années du Moscou brejnévien. Alors que faire ?... Peut-être simplement partir d’une pure fascination physique de néophyte: d’où viennent ces voix inhumaines ? D’où, dans le corps, la troublante anomalie du chant prend-t-elle sa source, sa douceur et sa puissance ? La vibration, l’air, le son… Est-ce qu’entre le cri du bébé, l’envoûtement de la berceuse, l’effroi de l’héroïne hitchcockienne sous la douche, la respiration au travail ou les râles de la jouissance, Barbara Hannigan me soufflerait-elle la voie ?… » (Mathieu Amalric)