La Petite Fille dans le couloir
Girl in the Hallway
Un homme témoigne des circonstances qui entourent la disparition d'une enfant et porte avec difficulté le lourd poids de son silence et de son inaction.
« Girl in the Hallway » est l’adaptation cinématographique d’une performance de Jamie DeWolf, acteur, réalisateur et écrivain américain participant régulièrement à l’émission radiophonique “Snap Judgment”. Le principe de ce show de la NPR (National Public Radio) est de créer une ambiance dramatique en mélangeant des histoires documentaires criminelles avec de la musique. La réalisatrice canadienne Valerie Barnhart a créé à partir du slam de DeWolf une animation expérimentale des dessins que lui a inspirés l’affaire Xiana Fairchild, fait divers tragique et traumatique.
C’est l’histoire d’un père qui refusait de parler à sa fille du Petit Chaperon rouge car elle lui rappelait un souvenir morbide. Le quartier de Vallejo (Californie) où vivait DeWolf à vingt ans était plutôt inquiétant. Les dessins reflètent la misère des lieux décrits : sales, bruyants, peuplés d’êtres nocturnes patibulaires. En utilisant différents supports et outils graphiques (papiers découpés, journaux, craie...), la cinéaste met en scène une atmosphère lugubre en noir et blanc ponctuée de quelques touches de rouge. Dans ce taudis vivait une petite fille, Xiana Fairchild, née en prison d’une mère dealeuse et consommatrice de méthamphétamine. Xiana était livrée à elle-même dans le hall de l'immeuble. Il y a des lieux où l’insouciance de l’enfance ne transperce pas les ombres. Elle a disparu le 2 décembre 1999 sans que personne de sa famille, ni ses voisins, ni les services sociaux n’aient rien fait pour la protéger et son cadavre a été retrouvé plusieurs mois plus tard.
Dans une époque où les violences infligées aux enfants ne diminuent pas, cette dénonciation du silence et de l’inaction est un appel à réagir et à agir. Le film se fait aussi l’interprète du mouvement nativelivematters, très implanté au Canada, en rendant hommage aux MMIWG, les “Missing and Murdered Indigenous Women and Girls”. Ce conte de fées animé digne de nos pires cauchemars n’est pourtant pas nihiliste car l’histoire s’accompagne d’une morale, un avertissement donné à chaque adulte parent ou voisin d’enfants: quand les loups rôdent dans la cité, il vaut mieux ouvrir sa porte aux Petits Chaperons rouges, sinon le monde se transformera en grand gouffre noir et silencieux.