Des voix dans le choeur. Éloge des traducteurs
Trois traducteurs ont ouvert leur atelier à la caméra d'Henry Colomer: Danièle Robert, traductrice de l’italien, est en plein travail d’écriture du "Purgatoire", deuxième volet de "La Divine Comédie" de Dante ; Sophie Benech est spécialiste de la littérature russe (Anna Akhmatova, Varlam Chalamov, Isaac Babel) ; Michel Volkovitch se consacre aux textes grecs contemporains, notamment à la poésie, qu'il publie parfois sous son propre label Le Miel des anges.Témoin muet et complice de l’intense réflexion qui se joue dans les espaces étroits d’appartements dont on ne verra essentiellement que les bureaux couverts de livres, le réalisateur a choisi un noir et blanc somptueux pour amplifier encore l’ambiance feutrée qui se dégage des lieux, des visages concentrés et des regards mobiles, passant du texte imprimé à l’écran de l’ordinateur ou au cahier de notes, le dictionnaire n’étant lui-même jamais très loin. Et le son, très précis, ne dit que l’essentiel: froissements des pages que l’on tourne, musique de la langue originale que l’on scande. Car il est question de poésie et de musique, motif fondamental, dès les premières minutes du film : l'harmonie de Dante, le livre comme partition, le mouvement de la langue. Vient ensuite le passionnant cheminement à travers la méthode de chacun, la quête virtuose du mot juste, les certitudes nombreuses, les doutes plus nombreux encore («Je cale sur la peau de taupe et sur la sphère du soleil» dit Danièle Robert), les sacrifices préliminaires à l’obtention de la phrase ou du vers décisifs, selon un processus que décrit parfaitement Michel Volkovitch. «J’ai l'impression de courir après quelque chose, d’être près de l’atteindre et puis ça s’éloigne et puis je reviens. C’est cet espèce de cache-cache perpétuel avec la réussite, avec la beauté, qu’est toute traduction.»