L'Indien de Guy Môquet
L’Indien de Guy Môquet est un film en embuscade. Un geste énigmatique, aperçu au hasard d’un trottoir : un homme secoue son téléphone vers le ciel, s’arrête, le fixe longuement, recommence. Pourquoi ? Que tente-t-il de capter – du réseau ? un signe ? un dieu ? La cinéaste décide de rester, de filmer et d’enquêter.
Il s’agit d’un film où il ne se passe presque rien, et pourtant tout s’ouvre à partir du geste d’un inconnu : la rue devient un théâtre. Un espace partagé – sous l’œil des panneaux publicitaires, dans la rumeur continue du dehors – où surgit, au détour d’un plan, l’anormal. L’enquête peut commencer. La cinéaste répète inlassablement les prises de vue, multiplie les pistes, mais toujours reste à distance : elle observe, s’approche lentement, retarde la rencontre.
C’est bien là que le film s’installe : à la lisière. Lisière de la folie supposée de cet homme, mais aussi de notre imagination de spectateur, de la fiction possible. Car L’Indien de Guy Môquet est autant une enquête qu’un jeu. Jeu de piste, jeu d’images, jeu de montage. Ce cinéma de peu est bricolé, assumé comme tel – un art pauvre, mais joueur, qui fabrique du sens à partir de presque rien. Ce pourrait être un film sur la paranoïa, sur la solitude urbaine, sur un rapport magique aux objets technologiques mais c’est surtout un film sur le désir de regarder. Contrairement aux passants, la cinéaste ne détourne pas son regard du déroutant, du potentiellement fou. Mais son regard est caché : elle observe sans être vue. Par timidité ? Par peur ? Envie de garder le mystère ? Jusqu’à ce que la rencontre advienne, au risque d’être surpris…