les yeux doc

Renée R.

Renée R. Lettres retrouvées

Octobre 1958, une femme perdue dans une ville qu’elle ne connaît pas entame une correspondance avec ses proches sans savoir qu’elle écrit le roman de la dernière année de sa vie. Septembre 2010, dans une malle du grenier de la maison de famille, je retrouve lettres, bobines de film. Je la vois se battre avec courage, sombrer dans la solitude, se relever et tomber de nouveau, mourir enfin. 

Renée R. est mère de trois enfants et femme de journaliste. Elle tient un journal intime et correspond régulièrement avec sa mère et une amie proche.

Quand le film commence, en novembre 1958, Renée est à Limoges où elle a suivi son mari et où elle s'ennuie, ne trouvant personne à qui parler. "ici, les gens sont froids" écrit-elle et dit-elle par la voix chaleureuse de sa lectrice, la comédienne Mireille Perrier. Le récit d'une vie de famille somme toute banale, entre cinéma, repas dominical et éducation des enfants, laisse bientôt place à des phrases courtes et fiévreuses. Le soupçon d'abord, puis l'évidence : il y a une autre femme. Commence alors la brutale descente aux enfers de la rupture, avec son cortège d'hommes de loi et de tentatives de retour en arrière. Pourtant, un an plus tard, Renée écrit de Marseille où elle s'est installée avec ses enfants, où elle a trouvé un emploi stable. Tout aurait pu aller pour le mieux.

Lisa Reboullleau a voulu accompagner cette histoire intime d'archives filmées dans les années 1950/60, contemporaines de la période où a vécu Renée R. Certaines sont des archives familiales, d'autres des images patiemment recherchées dans les fonds de l'Ina et de cinémémoire.net. Des images hétérogènes -en noir et blanc, en couleur, en divers formats- qu'il a fallu monter et étalonner pour qu'elles racontent une nouvelle histoire, une histoire tragique imposée par les mots. Comme Lisa Reboulleau l'explique : "cela a été des allers retours incessants entre images et textes. Soit l’image illustre les propos de la voix off qui conte les lettres soit elle vient en contrepoint. L’image exprime alors l’inverse de ce qui est dit et nous amène sur la piste de sa fin tragique malgré parfois des propos d’espoir : l’archive est abîmée, se désintègre."

L'avis du bibliothécaire

Jean-Francois Baudin, Médiathèque départementale du Rhône, Chaponost
Membre de la commission nationale coordonnée par Images en bibliothèques

Le film est court et profondément délicat. La voix de Mireille Perrier donne une consistance à ce personnage féminin, sorte d’archétype du romantisme et du tragique. Les images d’archives nous plongent dans un quotidien familial ne laissant pas entrevoir les ressorts du tragique : la vie continue envers et contre tout. Destinée terrible de cette femme qui cherche par tous les moyens à s’en sortir mais semble profondément blessée par la trahison de son mari. Les convenances sociales et familiales semblent peser ; elles aseptisent toute velléité de révolte et de colère. Le parcours apparaît finalement très banal, jusqu’au drame lui-même anodin.

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